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de saluer le troisième, de le retirer d’une méchante faction. Dis-lui que le bon ne fait jamais la guerre au bon, avant d’avoir tenté de triompher des méchans ; dis-lui que celui-là est insensé qui, par honte, persévère dans le mal. »

On peut bien croire que Dante ne flattait guère ceux de ses compatriotes dont il avait à se plaindre, quand on voit comment il traite ceux dont il se louait et qu’il aimait.

On serait curieux de connaître ces trois hommes avec lesquels correspondait le fier exilé, et qu’il croyait louer suffisamment en les nommant les trois moins pervers des Florentins. Mais il faudrait les deviner, et la chose ne serait pas facile. Il n’y en a qu’un que l’on puisse nommer avec une certaine assurance : c’est le troisième, celui auquel il reproche, en termes assez sévères, d’être d’une faction perverse. Je ne doute guère que notre poète n’ait voulu désigner Jacobo da Certaldo, le père de Pace da Certaldo, dont on a une histoire peu connue, et cependant remarquable, de l’expédition de guerre faite en 1202, par les Florentins, contre la forteresse de Semifonte. Il est constaté que Jacobo, bien que du parti des Noirs, et en grand crédit dans ce parti, ne cessa jamais de correspondre avec Dante exilé, et de lui rendre des services. Des biographes ont parlé de Corso Donati comme de l’un des protecteurs du poète exilé. On peut croire, en effet, que le chef du parti des Noirs eut quelques ménagemens pour Dante, dont nous savons qu’il était le parent ; mais il n’y a pas lieu de supposer, entre l’un et l’autre, des relations d’amitié.

Dante n’était pas le seul des Blancs exilés en instance auprès du gouvernement florentin pour obtenir leur rappel. Plusieurs d’entre eux sollicitaient la même grâce, et plusieurs l’obtinrent, entre autres Petracco di Parenzo, le père de Pétrarque, qui, banni comme Dante, avait été, comme lui, l’un des meneurs de son parti. Il fut rappelé dans le courant de janvier de l’année 1307. Vers le même temps, Dante renonçait au projet et à l’espoir de rentrer à Florence. Ses instances avaient-elles été rejetées ? Avaient-elles été accueillies à des conditions qu’il n’avait pas jugées acceptables ? Ce sont là des questions auxquelles l’histoire ne fournit point de réponse.

Ce qui n’est pas une conjecture, c’est que dès le commencement de l’année 1307, Dante s’était rengagé dans la faction des Blancs-Gibelins, et s’était remis, avec elle, en guerre contre Florence. Il nous faut donc, avec notre exilé, revenir à cette faction, et rappeler aussi sommairement que possible ce qu’elle avait fait depuis trois ans que Dante s’en était détaché, afin de pouvoir montrer où elle en était quand il y revint.

Malgré leur coup de main manqué sur Florence, les Blancs-Gibelins,