Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/735

Cette page a été validée par deux contributeurs.
735
L’ARÉTIN.

mais ce n’est pas une raison pour mépriser vos maîtres. Souvenez-vous un peu des lettres imprudentes que vous adressâtes à ces deux personnes (à Léonore et à sa sœur), qui n’ont pas daigné vous répondre. Enfin, je vous salue ; et soyez bien sûr que, si beaucoup de personnes blâment votre manière d’écrire, ce n’est pas par envie ; si quelques-uns la louent, c’est par charité. »


Voilà en quels termes l’Arétin écrivait au Tasse ! un des hommes les plus vils de l’époque à l’un des plus grands.

Agrégé à plusieurs académies, fort honoré des princes auxquels il a soin d’inspirer une terreur salutaire, il a pour protecteurs principaux le cardinal de Ravenne, le capitaine Mucchio de Medici, Davila et Frédéric Montacuto, personnages influens du pays et de l’époque ; le cardinal, contre lequel l’Arétin avait lancé beaucoup d’outrages, se chargea de marier une de ses sœurs, et lui fit épouser un gentilhomme nommé Orazio Soldato.

« Vous m’avez rendu (dit-il à ce prélat dans une lettre assez curieuse pour être rapportée) un service que deux papes m’avaient promis et qu’ils ne m’ont pas rendu, quoique je les aie bien traités. Vous avez marié ma sœur ; aussi faut-il que je vous demande pardon de ce que ma langue et mes oreilles se sont laissées corrompre par la calomnie et l’ont répétée ; la faute n’en est pas à moi, mais à ces discours qui vous attaquaient de toutes parts, et qui contraignaient l’intégrité des bons d’ajouter foi aux mensonges des méchans. La calomnie a versé sur vous tout son venin, monseigneur, parce que vous ne vous êtes pas conformé à l’hypocrisie et au pédantisme qui régnaient autour de vous. Et ne convient-il pas mieux, je vous le demande, à un homme de sens et de cœur, d’avoir maison et table ouverte, de s’entourer d’honnêtes voluptueux et de gens aimables, que de se couvrir du masque d’une modestie affectée, que de s’entourer de la peau du renard, que de prêcher l’humilité et la décence sans valoir mieux que les autres ?

« N’écoutez donc pas ces hypocrites, pédans commentateurs de Sénèque, qui, après avoir passé leur vie à assassiner les morts, ne sont heureux que lorsqu’ils crucifient les vivans. Oui, monseigneur, c’est le pédantisme qui a empoisonné les Médicis ; c’est