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C’était un singulier homme que notre chambellan ! ponctuel comme l’étiquette, monté comme une horloge, et réglé comme une romance. Avant de partir de Copenhague, il avait compulsé tous les voyageurs qui ont écrit sur la Suisse, consulté toutes les cartes des vingt-deux cantons, et avait fini par se tracer, jour par jour, au sein de la république helvétique, un itinéraire dont il ne s’était encore écarté ni d’une heure ni d’un sentier.

Sur cet itinéraire il y avait que, le 28 septembre, il devait descendre dans l’Oberland, en traversant le Grimsel. Il est vrai qu’il n’y était pas question de l’orage qui avait empêché ce projet, — tout simple d’ailleurs, — de s’exécuter comme l’avait espéré M. Kœfford.

Or, nous étions au 29 septembre au lieu d’être au 28 ; nous nous trouvions dans le Valais au lieu de nous trouver dans l’Oberland, et les guides déclaraient qu’après la tempête de la veille, le passage du mont Gemmi était seul praticable, et qu’il fallait renoncer à celui du Grimsel. La chose était fort égale à M. et à Mme Brunton ; mais elle bouleversait toute l’existence de M. Kœfford.

Je fis tout ce que je pus pour lui rendre son courage ; je lui dis que le passage du Gemmi était beaucoup plus curieux que celui du Grimsel, et que ce n’était, à tout prendre, qu’un retard d’un jour.

— Et croyez-vous, me dit-il d’un air désespéré, que ce n’est rien qu’un retard d’un jour ? d’être obligé de faire le lundi ce qu’on croyait faire le dimanche, de marquer une heure et d’en sonner une autre comme une pendule dérangée ?

Mme Brunton, son mari et moi fîmes ce que nous pûmes pour consoler le pauvre chambellan, mais il était comme Rachel pleurant ses fils. Quant à sa femme, qui connaissait son caractère, elle n’osait hasarder un mot.

Cependant, comme il n’y avait pas d’autre parti à prendre, M. Kœfford se décida à subir un retard de vingt-quatre heures, et à passer le Gemmi. Je le quittai donc à peu près calme, sinon tout-à-fait résigné.

Depuis notre retour à Paris, j’ai su, par une lettre de notre malheureux ami à M. Brunton, qu’il n’était arrivé à Copenhague