Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/695

Cette page a été validée par deux contributeurs.
695
SONNETS DE SHAKSPEARE.

les trouve plus élégans que ceux de Shakspeare, leur sont de beaucoup inférieurs et ne peuvent pas même être comparés à ceux des contemporains de notre grand poète.

En 1591, Sidney publia, sous le titre d’Astrophel et Stella, une suite de sonnets dont la seule qualité n’est pas une observation scrupuleuse de la forme de Pétrarque ; et n’était que traduction est trahison, comme j’ai bien peur qu’on ne l’ait remarqué dans mon premier paragraphe, j’aurais cité le quatre-vingt-unième, sur le baiser, qui, dans son vieux langage, est plein de délicatesse et de charme.

L’année suivante, Daniel fit paraître sa Délia, qui est loin d’être sans mérite, et qui eut d’autant plus de copistes que les cinquante-sept sonnets dont elle se compose sont, excepté deux, moins des sonnets que des stances élégiaques, et que l’imitation en était d’autant plus facile.

La Diana de Constable, qui fut imprimée en 1594, fut bien vite éclipsée par les Amoretti de Spenser, qui eut, entre autres mérites, celui d’avoir inventé une forme de sonnets assez savante, et qui pourtant n’est pas celle des sonnets italiens : son sonnet se compose de trois quatrains en rimes croisées ; le dernier vers du premier quatrain rime avec le premier du second, et le dernier du second avec le premier du troisième, le tout terminé par deux vers rimant ensemble.

Entre Spenser et Drayton, le prédécesseur immédiat de Shakspeare, je citerai pour mémoire quelques petits poètes, Percy, Barnes, Barnefielde, Griffin, Smith, etc. ; puis des écrivains d’un ordre supérieur qui, sans avoir composé des recueils de sonnets, en semèrent çà et là leurs ouvrages, tels que Googe, Gascoigne, Raleigh, Breton et Lodge.

Les sonnets de Drayton, qui sont au nombre de soixante-trois, et qu’il publia en 1605, in-8o, sous le titre d’Idées, sont écrits pour la plupart sur le modèle de ceux de Daniel ; la versification en est facile et le sentiment naturel, mais en somme ils sont assez peu poétiques et visent trop à un esprit de mauvais aloi.

Quant à Shakspeare, son modèle ce fut Daniel ; car je ne suis pas de ceux qui croient que les hommes de génie nous tombent des nues, et qu’on ne peut pas suivre leur filiation. Dans un con-