Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/68

Cette page a été validée par deux contributeurs.
64
REVUE DES DEUX MONDES.

leur enlevèrent partout des vassaux, de sorte que cette nouvelle guerre avait, comme toutes les précédentes guerres du peuple de Florence contre les Gibelins, le caractère d’une lutte de la démocratie contre la féodalité.

Mal conduits ou trahis, les Blancs-Gibelins allaient se trouver dans l’impuissance de continuer la guerre, lorsque la fortune vint à leur secours. Leur implacable et puissant ennemi, Boniface viii, mourut le 11 octobre 1303, et eut pour successeur Benoît xi. Ce dernier revint au véritable système de l’église romaine par rapport aux deux factions de Florence et de la Toscane ; il entreprit de les réconcilier l’une avec l’autre, et de protéger, en attendant, de tout son pouvoir la plus faible contre la plus forte.

Dans cette vue, il envoya à Florence le cardinal de Prato, avec la mission particulière d’y faire rentrer les Blancs exilés, et de réformer le gouvernement, de manière à ce que les emplois fussent également partagés entre eux et les Noirs. Le cardinal, à son arrivée à Florence, fut bien accueilli par le peuple, en général plus favorablement disposé pour les Blancs que pour les Noirs. Il obtint donc, en dépit de ces derniers, les pouvoirs nécessaires pour remplir sa mission pacifique. D’un autre côté, il s’entendit avec les Blancs qui venaient de rentrer à Arezzo, et qui l’autorisèrent également à traiter pour eux dans la pacification et dans les réformes projetées. Les négociations qui eurent lieu à ce sujet, entre les exilés et le cardinal, furent confiées à plusieurs syndics ou commissaires dont l’histoire ne nomme que deux : l’un fut Dante, et l’autre Petracco di Parenzo, le père de Pétrarque, l’un des compagnons d’exil de notre poète.

Ainsi muni des pouvoirs des deux factions, le cardinal de Prato procéda aussitôt, et à la réconciliation des partis, et aux réformes du gouvernement qui devaient en être le préliminaire et la garantie. Ces réformes furent toutes dans le sens populaire, et par là même odieuses aux chefs de la faction des Noirs, qui, comme nous savons, appartenaient généralement aux familles les plus nobles de Florence. Subir à la fois une révolution démocratique et le retour de leurs ennemis, c’était, pour eux, trop de sacrifices à la fois. Ils firent tant par leurs sourdes menées, par leurs intrigues et leurs menaces, qu’ils parvinrent à effrayer et à déconcerter le cardinal ; il partit brusquement, sans avoir rien terminé, dans les premiers jours de juin 1304, laissant Florence en interdit, et retourna à Pérouse où se trouvait alors Benoît xi.

À peine le légat s’était-il éloigné, que d’effroyables désordres éclatèrent dans Florence. Ceux qui avaient espéré et désiré la paix ne