Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/608

Cette page a été validée par deux contributeurs.
604
REVUE DES DEUX MONDES.

qu’ils venaient de détruire ; éblouis de leur fortune nouvelle et inattendue, quelques-uns des ministres ne virent que les avantages de la position sans en approfondir les difficultés. Qu’allait-on faire du pouvoir après l’avoir accepté ? quelle ligne de conduite allait-on suivre ? quelle réception ferait la presse à la nouvelle combinaison ? Avait-on pris des mesures suffisantes pour lutter contre le mouvement plus ou moins mortel des intrigues politiques à l’extérieur et à l’intérieur ? Rien de tout cela ne fut prévu ; on se jeta à l’étourdie parce qu’on avait la parole du roi, ses caressantes invitations, et par-dessus tout l’appui intime d’un prince qui s’était associé au mouvement contre les doctrinaires.

J’ai besoin de parler ici de M. le duc d’Orléans qui se pose depuis quelque temps dans les affaires ; comme il a pris une part directe à toutes ces intrigues ministérielles, je le jugerai dès lors comme un homme politique, son caractère est soumis à ma discussion. Qu’on n’attende de moi ni déclamation, ni injure ; la vie du prince ne m’appartient que parce qu’elle s’est mêlée aux transactions du cabinet. C’est depuis un an surtout que M. le duc d’Orléans a été jeté par le roi son père dans le mouvement des affaires ; plus d’une fois, quand il s’est agi d’avoir action sur un ministre, de l’encourager pour rester au pouvoir, ou d’insister près d’une capacité politique pour qu’elle prétât son appui à un ministère, M. le duc d’Orléans a été mis en avant comme un personnage moins facile à compromettre que le roi. Je l’ai plus d’une fois rencontré à cheval ou en cabriolet chez le duc de Dalmatie, chez M. Molé, le maréchal Gérard ou M. Humann. Ses entrevues n’avaient d’abord été, comme sous C. Périer, que des visites de politesse ; plus tard, elles ont eu un but politique ; ce que le père ne pouvait faire, le fils l’a fait plus facilement. M. le duc d’Orléans est un prince aux formes douces, aux manières agréables ; il a de l’instruction, mais on remarque dans sa causerie une affectation de réminiscences de collège. Au fond, M. le duc d’Orléans n’a pas un esprit très élevé, une pénétration très vive et très profonde ; il se mêle même une simplicité de vues à ses idées droites et à ses volontés les plus arrêtées.

En étudiant bien le caractère du prince, le cabinet Bassano devait s’apercevoir qu’il ne pouvait être pour lui un appui constant et durable ; au besoin, d’ailleurs, le père n’aurait-il pas sacrifié le fils ? Le duc d’Orléans n’était-il pas un faible roseau que la nécessité pouvait briser ? Mieux eût valu s’entendre sur les principes, se convenir entre hommes, que d’avoir comme soutien la main débile d’un jeune homme de 23 ans. Dès le début, et par une scène d’intérieur, le ministère put s’apercevoir du peu d’appui qu’il trouverait en M. le duc d’Orléans. Le prince n’avait vu