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inspirations supérieures qui appartenaient à la présidence du conseil. Quant au général Bernard, il n’était point antipathique à M. de Bassano ; il tenait aux souvenirs de l’empire. Le roi ajouta qu’il aimerait à laisser au prince royal une surveillance sur l’armée, comme un moyen d’encouragement, et qu’il lui avait donné ordre de s’entendre avec le président du conseil sur toutes les choses un peu graves qui tiendraient au personnel des corps.

En rattachant tant de choses au chef du conseil, le roi savait bien à qui il s’adressait ; je répète que je ne pense pas que jamais Louis-Philippe ait pris M. de Bassano au sérieux : il n’ignorait pas où serait la présidence réelle ; il voyait dans M. Bresson et dans le général Bernard deux instrumens de sa propre pensée, qu’il tâchait de faire accepter par le président nominal, et cela lui réussit. Quand ces deux noms propres eurent été agréés, le roi s’ouvrit à M. de Bassano sur quelques noms de la chambre qui devaient s’associer au ministère ; il exposa très nettement que le mouvement parlementaire qui s’effectuait n’émanait pas de la gauche, mais de l’opinion politique ennemie des doctrinaires, qui avait son centre et son représentant sur les bancs de MM. Dupin, Passy et Teste ; c’étaient là des hommes de choix ; avec eux, il y aurait moyen de réunir une majorité contre le cabinet qui se retirait. Au reste, ajouta le roi, attendons les chambres ; nous nous compléterons en leur présence : il ne dit pas un mot du système, chargeant M. de Bassano de pressentir les chefs des diverses nuances qu’il venait de désigner, sur les conditions de leur entrée dans le cabinet ; il termina et résuma sa conversation par ces mots : « Enfin voilà, mon cher duc, le ministère que j’ai fait ; acceptez la présidence, je vous en prie, c’est un service que vous me rendrez. »

Tout cela s’était passé dans la matinée du 9 novembre ; Louis-Philippe avait employé toutes les séductions pour précipiter la formation d’un cabinet, car, répétait-il, voulez-vous me laisser la douleur de rester sans ministère ? M. de Bassano se mit immédiatement en rapport avec les membres désignés du nouveau cabinet ; quelques-uns, tels que M. Passy, furent appelés aux Tuileries, où les instances les plus vives leur furent faites pour qu’ils acceptassent leur portefeuille. Dans sa conversation avec M. Passy, le roi se montra homme de confiance et d’affaires. Désigné pour le ministère des finances, M. Passy dut naturellement demander quelques explications sur la situation du trésor ; elles lui furent données. « Humann, dit le roi, nous laisse un excellent budget, nous aurons des économies ; nous éviterons peut-être l’emprunt ; les crédits supplémentaires seront très amoindris. Nous aurons à parler au conseil de la dette des États-Unis. » M. Passy se borna à répondre que c’était là une grave affaire. — « Vous avez raison, répliqua le roi, nous en recauserons. » On sem-