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Lors donc que nous lirons ensemble les comédies de Hroswitha, de cette nonne de la Basse-Saxe au xe siècle, de la voix forte de Gandersheim, comme elle s’appelle si poétiquement elle-même, lorsque je vous traduirai ce qui se peut traduire de ces rudes et énergiques légendes tout empreintes de christianisme, de science et de barbarie ; vous me pardonnerez, messieurs, de compléter l’effet de ces compositions bizarres, en relevant, autant qu’il sera en moi, les ruines de ce vieux monastère saxon ; vous me permettrez de vous introduire sous les voûtes et les arceaux massifs du grand parloir, de vous montrer ces décorations de pierres et toute cette architecture demi-romaine et demi-franque, compacte, sombre et solennelle, comme l’œuvre même de la poétesse. Quand nous lirons ces dialogues funéraires récités sur les tombes des grands abbés et des grandes abbesses du ixe siècle, vous me pardonnerez de tâcher de vous faire oublier les solécismes et les barbarismes de ces étranges églogues, en vous transportant par la pensée dans le vaste préau de ces cloîtres et en vous détaillant les cérémonies qui donnaient tant de gravité à ces illustres obsèques. Quand, aux xie et xiie siècles, je vous expliquerai les textes si brefs et si sèchement liturgiques du drame sacerdotal, il faudra bien que je tâche de vous donner une idée de sa pompe et de son influence sur les masses, en vous découvrant la magnificence des accessoires au milieu desquels il se déployait. Il faudra bien que je vous fasse connaître la structure exacte et l’ordonnance des théâtres, c’est-à-dire des églises d’alors. Je vous montrerai, messieurs, la scène placée, pour l’ordinaire sur le jubé, espèce de pulpitum en vue de tous ; le clergé dans le chœur, les grands seigneurs et les nobles dames rangés dans les galeries supérieures de la nef, appuyés sur des balustres garnis de draps d’or et de velours ; en bas dans la nef, les hommes d’armes et les écuyers debout, tandis que le peuple et les manans se pressent dans les bas côtés de l’église, les hommes à droite et les femmes à gauche. Enfin quand nous lirons ensemble les jeux et les entremets représentés dans les châteaux des xiie et xiiie siècles, je devrai reconstruire pour vous ces anciens manoirs, rétablir l’azur et l’or sur leurs murailles, le jeu des couleurs dans leurs vitraux, déployer les tapisseries, éclairer la salle de gala ; je devrai vous montrer la