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accorda sans délibération les pouvoirs demandés, et le prince, de son côté, jura sur les Évangiles de maintenir la république en bon ordre, de ne porter aucune atteinte à sa liberté ni à ses droits. Tout le monde sortit satisfait de l’assemblée.

Mais à peine le prince eut-il regagné son palais d’Oltre-Arno que Florence avait pris un autre aspect. — Les gens d’armes et les chevaliers, qui jusque-là n’avaient paru dans la ville que désarmés, étaient en armure complète, et caracolaient de tous côtés sur leurs destriers bardés et caparaçonnés comme pour entrer en bataille. Les adhérens des Noirs sortaient de toutes parts armés, se groupaient à des postes convenus, et la portion italienne du cortège de Charles de Valois se réunissait à eux. Corso Donati, parti d’Ognano avec un détachement d’une centaine d’hommes, enfonçait intrépidement à coups de hache une des portes de Florence, s’introduisait dans la ville, s’emparait d’une église où il s’établissait militairement, et plantait son drapeau en signe de ralliement pour les conjurés de son parti.

Le peuple florentin avait couru aux armes au premier éclat de ces hostilités ; mais personne ne se présenta pour le commander. Les chefs du parti des Blancs, les Cerchi, avaient rejeté toutes les propositions courageuses qui leur avaient été faites, et ne songeant qu’à eux, s’étaient contentés de se fortifier dans leurs palais. Les prieurs étaient des hommes incapables de prendre un parti vigoureux, et autour desquels chacun hésitait à se ranger.

Dans cet état de choses, Corso Donati avait beau jeu, et profitait de l’occasion en homme résolu. — Déjà beaucoup des siens l’avaient rejoint : il se porte à leur tête aux prisons et les ouvre aux détenus, qui s’arment de tout ce qui leur tombe sous la main et le suivent. — Il les mène au palais du peuple et en chasse les prieurs.

Dès ce moment, la ville, sans gouvernement, sans défenseurs, est en proie à toutes les horreurs d’une ville prise d’assaut. Corso Donati la parcourt, cherchant et choisissant les objets de sa fureur. Ce sont les Blancs qu’il pourchasse ; ce sont leurs palais, leurs maisons qu’il prend de vive force, qu’il pille et qu’il brûle. Pour les bandits de sa suite, qui n’ont point d’ennemis personnels, toute maison, tout palais, sont bons à piller et à brûler. — De la ville, le flot destructeur se répand sur la campagne environnante, et durant huit jours entiers il n’y eut dans Florence et à l’entour que pillages, massacres et incendies.

Charles de Valois avait vu tout cela et avait tout laissé faire, ou pour mieux dire, tout s’était fait de son consentement ou par son ordre. Peut-être n’avait-il pas prévu tous les excès auxquels se porterait le parti des