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des baignoires, un lustre et le trou du souffleur, si vous espérez trouver à Autessiodurum, à Lundinium, à Tarvisium, l’Opéra, le Théâtre Français, ou même nos théâtres des boulevarts, vous serez complètement déçus. Sans doute, dans l’acceptation étroite et rigoureuse que ce mot a parmi nous, le théâtre au moyen-âge n’existait pas. Aussi n’est-ce pas, messieurs, l’histoire du théâtre, mais celle de ses origines, ou plutôt c’est l’histoire du développement de l’imagination dramatique, depuis l’ère chrétienne jusqu’au xvie siècle, que je me propose de dérouler devant vous.

Ce n’est pas par hasard que je viens de prononcer les mots Opéra, Théâtre Français, théâtres des boulevards. Ces trois sortes de spectacles, parmi lesquels tous les genres de représentations scéniques peuvent, plus ou moins facilement, se classer, ont eu des origines distinctes, quoique voisines, et qu’il faut étudier séparément. Chacun de ces théâtres nous offre la dernière forme et l’expression la plus avancée de trois espèces de drames, qui ont coexisté au moyen-âge et qu’on peut retrouver même dans l’antiquité grecque et latine, quoique l’érudition ait eu peut-être jusqu’ici le tort de ne pas les distinguer assez nettement.

L’Opéra, c’est-à-dire le génie dramatique dans toute sa plénitude et sa puissance, soutenu de toute la pompe du spectacle, de tous les arts accessoires, de tout ce qui peut agir sur l’imagination, l’Opéra qui ne vit que de merveilleux, de fictions, de féeries, de traditions mythologiques, fabuleuses, miraculeuses, l’Opéra qui ne marche qu’accompagné de l’enivrement de la musique et de la danse, a succédé, dans les pays où il est indigène, c’est-à-dire, en Italie, aux représentations les plus pieuses. Il est la continuation immédiate de ces drames que les communautés demi-ecclésiastiques et demi-laïques, n’ont cessé d’exécuter, du xiiie au xive siècle, sur les places de Rome, de Naples, de Tolède et des autres villes de l’Europe, représentations qui succédaient elles-mêmes à d’autres bien autrement solennelles et graves, véritables drames liturgiques, approuvés par la papauté et par les conciles, admis dans les Diurnaux et dans les Rituels, joués et chantés aux processions et dans les cathédrales, parties nécessaires et intégrantes de la solennisation des saints offices.