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Marlow ? Non, messieurs ; l’époque des communautés dramatiques, cette phase singulière du théâtre moderne, ne sera qu’un accessoire, un épisode, une section, la dernière, et, si j’ose le prédire, la moins curieuse et de beaucoup la moins neuve du cercle historique que je compte parcourir avec vous. Avant, bien avant les confréries de la Passion, avant ces pieuses associations laïques ou mi-partie de laïcs, d’autres associations avaient accompli une œuvre de même nature ; un autre système dramatique avait fourni sa course et satisfait les imaginations populaires toujours avides des plaisirs scéniques et des émotions du drame. Les mystères, les moralités, les sotties, représentés par les soins des corporations de métiers ou aux frais des compagnies de judicature, sur nos places publiques et dans les salles de nos maisons-de-ville, sont une des formes les plus récentes de l’art théâtral, et, par conséquent, ne sauraient être considérées comme l’origine directe et véritable du théâtre tel que nous le voyons.

On croit trop généralement que le génie dramatique, après sept ou huit cents ans de sommeil, s’est éveillé au xiiie ou xive siècle, un certain jour, ici plus tôt, là plus tard. Chaque nation cherche puérilement à s’attribuer la priorité de ce prétendu réveil. Chaque historien s’épuise en efforts pour fixer l’heure où cette révolution dans les facultés humaines s’est opérée. Ce n’est pas une semblable entreprise que je vais renouveler. N’attendez pas de moi un plaidoyer en faveur de telle ou telle date plus ou moins douteuse. Je ne crois ni au réveil ni au sommeil des facultés humaines ; je crois à leur continuité, à leurs transformations, surtout à leur perfectibilité et à leurs progrès. J’espère établir par des preuves irréfragables, c’est-à-dire par des monumens et par des textes, que la faculté dramatique, aussi naturelle à l’homme que la faculté lyrique, par exemple, n’a jamais cessé d’exister et de se produire. Non, messieurs, pendant tout ce long intervalle de décomposition et de recomposition sociale, qu’il me faut bien appeler, comme tout le monde, le moyen-âge, jusqu’à ce qu’on le connaisse assez bien pour lui pouvoir donner un nom moins vague, pendant tout ce long intervalle, le génie dramatique n’a pas manqué tout à fait à l’humanité : la seule, la grande difficulté pour le critique est de savoir le discerner et le reconnaître sous les nouvelles apparences