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Passant des choses aux individus et évoquant la plupart des personnages qui ont figuré aux affaires depuis trente ans, il admirait la fécondité de la Providence qui avait produit, en moins d’un quart de siècle, tant de médiocrités gouvernementales, ayant suffi chacune à peu près en son temps. Telle était en France l’administration du moment, suivant sa route non sans de certains succès, dont la nullité appliquée des Chabrol était un type caractéristique et complet. « C’est, disait-il alors, qu’isolés, les hommes médiocres ne sont rien. Mais que le pouvoir leur tombe aux mains, si faibles et inertes qu’il soient, la force leur vient peu à peu ; ils font des progrès ; ils deviennent chaque jour plus puissans par cela seul qu’ils sont dépositaires de la puissance. » On le voit aisément, bien des idées intermédiaires sont ici laissées de côté ; mais n’en est-ce pas assez pour qui sait comprendre une profonde pensée à demi-mot ?

De ces applications limitées, il montait souvent à des vues plus hautes et plus générales. Analysant le drame politique de l’Europe, après avoir tracé dignement le rôle que son pays était appelé à y jouer : « Je crois, disait-il, que la France en toute matière, en toute occasion, doit prendre son parti sans attendre, pour se déterminer, l’autorisation des exemples. » M. de Châteaubriand, l’ambassadeur de Louis xviii et du drapeau blanc, eût-il pensé, lorsqu’en 1822 il disait ces nobles paroles, que, douze ans passés, un gouvernement né du peuple, et qui aurait repris les couleurs nationales, s’écrierait à son tour courageusement que, pour se déterminer, il lui fallait l’autorisation de l’Europe ?

Ce n’étaient pas toujours pourtant ces graves discours sur les affaires et l’intérêt des peuples : le printemps venu, quelque rayon de soleil perçait-il le ciel épais et brumeux de Londres, oh ! alors, comme le poète, secouant ses ailes humides et chargées de brouillard, prenait son essor, et franchissant mers et montagnes, s’envolait vers l’Italie !

« Si j’avais à choisir le lieu de ma résidence, s’écriait-il, c’est à Rome que je voudrais vivre. Là, tout est ruine, tout est souvenir. Et sortez-vous de ces débris, allez-vous par cette vaste campagne des alentours, tout est silence et solitude. Du milieu des grandes herbes jaunes qui couvrent les champs déserts, vous voyez s’élan-