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Dante.

avec un nombre déterminé de chevaliers et de gens d’armes français, passerait en Italie dans le courant de l’année 1300. Le bruit de son arrivée, répandu d’avance dans tout le pays, et particulièrement en Toscane, y produisait déjà beaucoup d’émotions diverses ; déjà toutes les factions s’en alarmaient ou s’en réjouissaient, selon leur position.

La vérité était qu’entre autres services que Boniface viii se proposait d’exiger de Charles de Valois, il voulait l’employer à soumettre les villes de la Toscane qui lui résistaient, de manière à pouvoir les gouverner selon ses vues.

Les Noirs de Florence n’ignoraient pas les desseins du pape ; et tout ce qu’ils pouvaient dire ou faire au sujet de ce prince français dont ils menaçaient leurs adversaires, était sinon expressément concerté avec le pontife, du moins conforme à ses projets, et conçu dans le désir d’en avancer l’exécution. Mais ils se pressèrent un peu trop, et se conduisirent de manière à donner l’éveil au gouvernement ; ils le réduisirent à se mettre sur ses gardes.

À une époque que les historiens ne précisent pas suffisamment, mais, selon toute apparence, vers les premiers jours d’août, les chefs de la faction des Noirs s’assemblèrent dans l’église de la Sainte-Trinité, pour délibérer sur leurs affaires. Le résultat de cette délibération fut d’adresser au pape Boniface viii la requête de les recommander au prince français dont on attendait l’arrivée, et de les mettre sous sa protection spéciale.

Cette délibération et cette requête remplirent Florence de scandale et de colère. Les Blancs, poussés à bout par la menace qu’on leur faisait d’un prince étranger, s’émurent, prirent les armes, et une explosion de guerre civile semblait désormais inévitable. Les prieurs, qui avaient jusque-là souffert les intrigues et les conspirations des Noirs, se crurent cette fois obligés de les réprimer ; mais pour éviter le reproche de partialité, ils voulurent comprendre dans le châtiment ceux du parti des Blancs qui avaient tiré le glaive dans les derniers troubles.

Quelques-uns des plus turbulens parmi ceux-ci furent bannis pour un temps et relégués à Sarzana. De leur nombre se trouva l’ami de Dante, Guido de’ Cavalcanti, qui s’était distingué par son ardeur contre les Noirs toutes les fois que l’occasion s’était présentée de les assaillir.

Les Noirs furent traités avec plus de rigueur : il y en eut un assez grand nombre de relégués à la Pieva, sur la frontière des états de l’Église ; et Corso Donati, leur chef, fut condamné à un exil perpétuel et à la confiscation de ses biens. Mais il y aurait, relativement à ce dernier, des particularités à éclaircir, si c’en était ici le lieu : il paraît qu’ayant déjà été banni