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POÉSIES POPULAIRES DE LA BASSE-BRETAGNE.

ment en Bretagne, et qu’à partir de l’époque où la noblesse abdiqua sa nationalité pour se faire française, les populations armoricaines commencèrent à secouer avec impatience le harnais féodal. La Ligue fut dans notre province une expression claire et vigoureuse de ces dispositions. Ce fut une vraie croisade de pastoureaux. Il y eut émeute des hommes à fourches contre les hommes à corsets d’acier, et l’aristocratie ne put maintenir son pouvoir qu’en passant au galop sur le ventre des paroisses révoltées. Si jusqu’à nos jours les gentilshommes ont conservé quelque action sur nos paysans, il faut l’attribuer à l’influence de la richesse, de l’autorité ou des bienfaits, nullement au respect pour la naissance. L’aristocratie du sang est presque aussi profondément dédaignée au fond de nos villages que dans les villes les plus constitutionnelles. Des deux royautés qui dominaient le grand édifice de la féodalité, la seigneurie et l’église, la dernière seule a résisté, en Bretagne, à l’expérience des générations.

Le guerz du Cloarec de Laoudour, outre qu’il constate un fait privé, a donc une véritable valeur politique. C’est plus qu’une ballade, c’est un document pour l’histoire.

Le Cloarec de Laoudour.

— Ma chère petite mère, faites-moi mon lit à l’aise, car mon pauvre cœur est difficile !

Car mon pauvre cœur est difficile !… — J’ai envie d’aller à l’aire neuve.

— Ô mon fils adoré ! si vous aimez votre mère, vous n’irez pas à l’aire neuve ;

Car il y aura là des gentilshommes de Lamballe, et ils ont résolu de vous tuer.

— Qu’on le trouve bon ou mauvais, ma mère, j’irai à l’aire neuve. Et s’il y a des sonneurs, je danserai, et s’il n’y en a pas, je chanterai. —

Le cloarec de Laoudour disait en arrivant à Keryaudet :

— Bonjour et joie dans cette maison ; où est la pennerès ?

— Elle est là haut, dans la chambre blanche ; elle est à peigner ses cheveux blonds.