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LA DERNIÈRE CRISE MINISTÉRIELLE.

s’était donné une mission d’ordre, et il ne se montra qu’avec d’impitoyables sévérités, des répressions sanglantes, des terreurs exagérées. Composé de quelques unités capables, il ne produisit aucun de ces grands résultats qu’il avait annoncés, ni le désarmement de l’Europe, ni la fin des factions, ni l’économie du trésor. Les temps étaient difficiles sans doute ; mais les hommes d’état ne sont pas mis au monde pour conduire ce qui va seul, et pour les beaux jours de la vie politique des nations.

§. iii. — DU NOUVEAU MINISTÈRE.

Je n’ai point l’habitude des déclamations. Je me bornerai à poser gravement les différentes chances de vie et de succès du ministère de M. le duc de Bassano. Je placerai donc ce ministère en face de la royauté, en face de lui-même, des chambres et de l’Europe, en examinant s’il remplit les conditions essentielles à la vie politique d’une administration.

J’aurais très bien compris, contre la combinaison doctrinaire, active et incontestablement habile, un ministère qui se serait composé, sous la présidence du maréchal Gérard, de la coalition des sommités de la chambre, de MM. Odilon Barrot, Bérenger, Passy. Il y avait là une majorité puissante, un avenir politique ; je ne dis pas que ce ministère eût fait de grandes choses, que tous ses membres se fussent parfaitement entendus ; qu’il y eût eu intelligence dans toutes ses parties. Mais enfin un tel cabinet eût exprimé une idée ; il aurait opposé une force de résolution à la combinaison aristocratique des doctrinaires ; il y avait là espérance des idées de juillet. À gauche, on n’aurait plus laissé en dehors que le parti Mauguin et Laffite, et encore une multitude d’unités s’en fussent détachées pour passer aux idées et aux intérêts ministériels.

Qu’est-ce que le nouveau ministère ? Il faut le dire ici haut, c’est une doublure du parti Dupin, c’est l’expression d’une pensée couarde du président de la chambre, d’une de ces peurs qui le font reculer devant tout ce qui pourrait offrir sa physionomie politique au public. M. Dupin a été l’auteur réel du ministère que nous avons ; ce sont les hommes de sa trempe, de ses affections, ceux qu’il dirige et qu’il conduit ; avec eux il est à son aise, parce qu’ils ont ses allures bourgeoises, le terre à terre de la science, cette manière de tout abaisser à son caractère. M. Dupin veut conduire les affaires, et le veut sans la responsabilité ; il secondera l’administration, cela veut dire qu’il la guidera ; or, une administration conduite par M. Dupin peut-elle plaire à la royauté ? N’est-ce pas là son ministère Rolland, une administration aux gros souliers qui se croit indépendante et libérale, parce