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LA DERNIÈRE CRISE MINISTÉRIELLE.

important, pour abaisser une supériorité politique en la plaçant officiellement à la tête d’une combinaison qu’elle n’avait pu réaliser ? À peine M. Molé apprit-il l’existence de cette note, qu’il courut au château porter ses plaintes au roi, qu’il trouva dans une irritation complète, et qui paraissait franche. Sur-le-champ S. M. ordonna à M. Fain d’écrire à M. Edmond Blanc tout son mécontentement. La lettre, dit-on, était à peu près conçue en ces termes : « Le roi m’ordonne, monsieur, de vous inviter à faire démentir la note insérée ce soir dans le Journal de Paris ; S. M. m’ordonne également de vous dire qu’il est très instant que cette note ne soit pas répétée demain dans le Moniteur. » M. Edmond Blanc communiqua aussitôt cette lettre à M. Thiers, qui sentait bien que le coup portait haut, et le secrétaire-général lui ayant demandé s’il fallait qu’il se rendît chez M. Fain, M. Thiers répondit qu’il irait lui-même chez le roi pour expliquer cette démarche. En même temps il écrivit à M. Molé un petit billet pour se justifier ; il développait avec esprit et une sincérité au moins apparente comment il avait cru nécessaire cette annonce presque officielle pour préparer les voies à une meilleure combinaison parlementaire. Ce soir-là finit la mission de M. Molé. Tout ce qu’on a dit et répété dans certains journaux sur des essais pour le choix des nouveaux ministres est inexact ; ces publications avaient leur but de perfidie ; elles tendaient toujours à compromettre M. Molé, à user son nom dans des combinaisons impossibles.

Quatrième journée. — La démission de M. Molé laissait un champ libre aux combinaisons doctrinaires ; M. Guizot dès-lors prit la haute main dans le conseil ; et M. Thiers, apercevant sa faiblesse relative, se rapprocha tout-à-fait de M. Guizot ; il y eut pacte invariable entre MM. Humann, Rigny, Thiers et Guizot ; tous quatre se donnèrent respectivement parole de ne point se séparer soit dans un nouveau cabinet, soit dans une retraite commune. Tout l’ancien conseil, sauf M. Persil et l’amiral Jacob, se tint invariablement uni ; on persista donc dans les démissions communes. Le Journal des Débats, qui s’était hâté d’annoncer la nomination de M. Molé, ajouta celle de M. Dupin pour la formation d’un cabinet. Le but de cette tactique était de rendre toute combinaison impraticable, afin que le roi fût obligé de se jeter dans les bras de M. Guizot. Quand les choses furent ainsi bien préparées, et la partie parfaitement liée, les ministres se rendirent au conseil, et M. Guizot exposa nettement, devant le roi, la nécessité de choisir un président que le conseil lui-même désignerait. M. Guizot déclara, dit-on, que, dans un gouvernement représentatif, les ministres responsables devaient être maîtres de leurs actions ; que, puisqu’ils avaient à subir le mouvement des chambres, ils devaient savoir mieux que qui