Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/471

Cette page a été validée par deux contributeurs.
467
LA DERNIÈRE CRISE MINISTÉRIELLE.

sacrifiés par ce mouvement, ne suivirent point l’exemple de leurs collègues.

Le roi, étant ainsi sans ministère, manda le soir chez lui M. Molé. Il y avait long-temps que cette démarche était préparée dans son esprit par l’action secrète de M. Thiers, et la conversation s’engagea sur des élémens presque convenus. Le roi exposa avec franchise à M. Molé les embarras de sa position, tout ce qu’avait de pénible cet intérim ministériel au milieu des intérêts compliqués de l’Europe et de la France, et qu’il le chargeait lui, M. Molé, de lui reconstituer un ministère, dont on discuterait plus tard les noms propres. M. Molé répondit qu’il ne pouvait officiellement se charger de la mission qu’on lui confiait, sans auparavant bien connaître la véritable situation des choses dans le dernier conseil ; son opinion, à lui M. Molé, était qu’en face de la chambre, on ne pouvait se passer de quelques-uns des élémens de l’ancien ministère, et particulièrement de MM. Guizot et Thiers, expressions des deux nuances qui composaient la majorité ; qu’il essaierait cette conciliation, s’il était possible, en y joignant de nouveaux noms qui répondraient à l’opinion du pays et au besoin parlementaire des chambres ; que si les tentatives étaient heureuses, alors on réunirait les hommes pour convenir d’un programme sur des principes fixes sans lesquels tout ministère était impossible. Dans cette situation seulement il examinerait s’il pourrait être utile dans la direction des affaires. Le roi approuva fortement les idées de M. Molé, et l’engagea à réaliser un plan de conciliation qui lui paraissait répondre aux besoins parlementaires actuels, sauf à modifier ce ministère, à le rendre définitif en présence du parlement.


Troisième journée.M. Molé se rendit dès le matin chez M. Thiers, et la conversation s’engagea sur la formation du nouveau ministère. M. Molé déclara à M. Thiers qu’il n’avait jamais pu songer à faire une administration sans lui conserver une place, parce qu’il le croyait essentiel à la tribune et auprès du roi ; mais il ne lui dissimula pas que de graves accusations pesaient sur son administration, que la probité politique était l’indispensable condition d’un ministère dont lui, M. Molé, consentirait à être le chef ; il était donc urgent de faire disparaître tous ces bruits qui circulaient, de se débarrasser d’imprudens amis, et des sous-ordres qui l’avaient compromis d’une si triste manière. M. Thiers s’expliqua avec émotion sur lui-même et sur ses amis ; il repoussa, indigné, tout ce qu’on avait répandu sur lui ; il avoua que des fautes avaient été commises, mais que son plus grand désir était de les réparer dans une administration nouvelle.

Quelques heures après, M. Thiers était chez M. Molé, et là on agita sé-