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secrète, ses péripéties inconnues, ses accidens mystérieux. Les journaux n’ont pu savoir que cette partie des évènemens, que cette superficie des faits, que cette vie du jour le jour, dont il est impossible de faire un ensemble et de deviner la pensée. Nous allons être historien impartial de ce petit drame qui s’est joué derrière la coulisse. Les faits sont bons à dire pour tous, les documens restent comme témoignages. Aujourd’hui, dans un pays d’éclatante publicité, aucun tripotage ne peut se dissimuler, aucune conduite ne peut échapper aux jugemens de l’opinion publique.

Les hommes politiques appelés à méditer sur l’esprit et la marche des cabinets avaient parfaitement apprécié la tendance et la portée du ministère du 11 octobre ; ce cabinet avait pour mission de poursuivre l’œuvre de M. Casimir Périer, c’est-à-dire de rétablir l’unité administrative, la force et la considération du pouvoir. Lorsque M. C. Périer eut laissé le grand vide de sa volonté énergique, le ministère chargé de suivre sa pensée n’eut plus aucune des conditions nécessaires pour remplir la haute mission dont il était chargé. Jamais cabinet n’offrit moins d’unité, des divisions plus tranchées, des antipathies plus haineuses. On voulait faire du pouvoir, et on abdiquait soi-même toutes les conditions du pouvoir, c’est-à-dire la cohésion de toutes les parties d’un grand tout, la parfaite unité dans la pensée et dans les mesures. Aucun des ministres ne voulait subir de supériorité ; chacun crut à son importance et en fit un culte ; de là ces disputes nombreuses, ces dislocations successives, ces petits démembremens d’intérieur, qui amoncelaient ruines sur ruines, débris sur débris. Ainsi, d’une part, mission de force, nécessité de rétablir l’ordre et le pouvoir ; de l’autre, amour-propre irrité, vanité de soi, faiblesse d’ensemble. Et c’est pourtant avec ces conditions que le ministère voulait vivre et marcher.

Le roi, homme de finesse et d’intelligence, ne voyait pas sans une secrète satisfaction ces divisions au sein de son conseil ; profondément pénétré de sa mission d’ordre et de la destinée pacifique de sa couronne, Louis-Philippe sentait bien que de la division de son ministère résultait pour lui la plénitude du pouvoir ; la mort l’avait débarrassé du joug importun de C. Périer, de cette ténacité vivace qui, en vertu de sa responsabilité, s’imposait à la puissance royale et prétendait de fait diriger le cabinet auquel elle présidait de droit ; le roi des Français ne voulait plus désormais subir une autre domination. Or, il était évident que, par cette division dans les membres de son conseil, par les jalousies mutuelles habilement soulevées, le roi pouvait régner sur tous, maîtriser les uns par les autres, et gouverner enfin le pays sans responsabilité légale.

Non-seulement Louis-Philippe était encouragé à suivre cette ligne, à