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guida fut au nombre des victimes ; il périt, après s’être signalé par de grands exploits, en récompense desquels il avait été armé chevalier des mains même de l’empereur. Dante l’a mieux traité encore, et plus glorieusement récompensé : il en a fait un saint, et l’a placé dans l’une des stations les plus poétiques de son paradis.

De Bellincione, petit-fils de Cacciaguida, naquit Alaghiero, second du nom, le père de Dante. Tout ce que l’on est parvenu à savoir de lui, en fouillant les plus riches archives de Florence, c’est qu’il était jurisconsulte de profession, et fut marié deux fois, d’abord à donna Lappa de’ Cialuffi, et ensuite à donna Bella. Il eut des enfans de ces deux femmes : de la première, un fils du nom de François ; de Monna Bella, un autre fils, qui fut notre poète, et une fille dont le nom n’est pas connu. On sait seulement qu’elle fut mariée à un Florentin, nommé Léon Poggi, dont elle eut un fils nommé André, avec lequel Boccace fut lié, et dont il put apprendre diverses particularités de la vie de Dante.

Comme toutes les familles un peu considérables de Florence, celle des Alaghieri prit parti dans les discordes civiles des Guelfes et des Gibelins. Elle fut guelfe, et eut sa part des revers comme des triomphes de cette faction. Ainsi, elle fut par deux fois exilée de Florence, d’abord en 1248, par les menées de l’empereur Frédéric ii, et puis en 1260, à la suite de la grande défaite du parti guelfe à Monte-Aperti. Le premier bannissement avait été de courte durée ; le second fut de sept ans entiers.

Dante ou Durante degli Alighieri naquit à Florence au mois de mai de l’année 1265, deux ans avant le retour de son père. Il avait été conçu dans l’exil, et devait y mourir.

Le premier évènement connu de la vie de Dante décida peut-être de sa destinée poétique, et c’est un trait de son enfance. C’était à Florence un usage ancien de fêter avec solennité le retour de la belle saison, aux premiers jours de mai. Ce n’était alors par toutes les rues, sur toutes les places, dans toutes les maisons, que réjouissances, que chants et danses, que joyeuses réunions de parens, d’amis et de voisins. Or, le père de Dante, Alaghiero, avait pour voisin Folco de’ Portinari, un des citoyens de Florence les plus riches, et généralement considéré pour sa piété, sa probité et sa bienfaisance. Selon l’usage, Folco avait réuni chez lui un grand nombre de personnes, parmi lesquelles se trouvait Alaghiero, accompagné du petit Dante, qui touchait alors à sa dixième année.

Dans la foule des enfans réunis à cette fête domestique, se trouvait une fille de Folco de’ Portinari, âgée de neuf ans, nommée Bice, abréviation mignarde du nom de Beatrice. Comment concevoir que la vue de cet enfant pût produire sur un autre enfant une impression ineffaçable ? Ce