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moderne, dont elles perdaient de plus en plus la voie, malgré les révélations de la philosophie du xviiie siècle. M. Lerminier a recueilli spécialement la pensée de ce grand siècle ; il la représente avec éclat et éloquence. Il l’a augmentée de toutes les passions et de toutes les idées du xixe siècle. Organe brillant de la tradition révolutionnaire, il en a enrichi et développé l’héritage. Les lecteurs de la Revue savent à quelles applications sévères ou piquantes il a plié son talent.

L’empressement qui porte de plus en plus la jeunesse vers cet enseignement grave et actuel, a rendu nécessaire la réimpression du premier ouvrage où le professeur a déposé les origines de ses opinions. L’Introduction générale à l’histoire du droit est une appréciation scrupuleuse des principaux travaux entrepris par la philosophie dans les limites ou sur les frontières du droit. Le mouvement profond et animé du seizième siècle y est creusé par un esprit jeune, qui trahit abondamment ses sympathies et son enthousiasme. Mais le signe le plus remarquable de ce livre, c’est la relation qu’il montra tout à coup entre la législation et la pensée. Montesquieu n’avait guère songé qu’aux rapports des lois avec les mœurs. Le progrès des temps est sensible. L’Introduction générale à l’histoire du droit se trouve au niveau des intentions de la métaphysique allemande. Elle date véritablement parmi nous une transformation de la science, et une amélioration du siècle à la suite des merveilles du siècle dernier.

Il est utile de connaître ce que l’auteur pense de son livre, et la valeur qu’il attache lui-même à cette œuvre, dans la série déterminée de ses études.

PRÉFACE DE LA SECONDE ÉDITION.

En publiant aujourd’hui la seconde édition de l’Introduction générale à l’histoire du droit, je ne puis me défendre de dire ce qui m’est venu à la pensée pendant que je revoyais ce premier essai.

Le temps nous emporte avec une vélocité si vive, qu’il dote d’une espèce d’antiquité ce que l’homme a fait et écrit il y a quelques années à peine, ce qui, dans un autre siècle, aurait semblé né d’hier. Nous passons et nous nous oublions nous-mêmes ; nous oublions les détails de la route parcourue, tant elle est infinie, tant l’espace que nous laissons derrière nous, et celui qui se projette à nos yeux, est immense et indéfinissable !

Qu’est-ce donc qu’un livre au dix-neuvième siècle ? C’est un point de la vie, c’est un moment énergique et réfléchi de l’existence et de la pensée, un recueillement, une halte avant de passer outre. Il appartenait aux heureux habitans des âges paisibles et des siècles qui coulaient moins vite