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REVUE LITTÉRAIRE.

se débattent si violemment est plus profitable à l’unité de l’Italie que ne pourrait l’être la liberté. Assurément M. le comte dal Pozzo accepterait une présidence de l’Autriche, aussi volontiers qu’il l’a fait de l’Empereur. Il a contracté l’habitude des obséquiosités et de la tyrannie.

Mais qu’importe l’unité de l’Italie, si l’Italie n’existe pas ? Qu’importe le lien des peuples sans leur liberté ? Qu’importe la force d’un gouvernement sans la dignité des nations ? Qu’importe l’ordre sans le libre arbitre ? Non, que l’Italie garde sa haine des Tedeschi ; qu’elle ne mendie pas de leur pitié une part de ce que sa force lui donnera un jour largement. Qu’elle ne fatigue pas ses espérances dans les palais des ambassadeurs de Vienne. Qu’elle verse des larmes sur le pain noir de la servitude. Ces épreuves valent mieux que des pactes honteux. Les grandes adversités préparent l’âme à soutenir les grands triomphes.


Les réfugiés italiens consolent leur exil par les plans de l’avenir. La jeune Italie, toute pleine des espérances de son âge et de son talent, n’attend le salut de la patrie que de l’énergie du peuple. Les esprits que l’expérience a rendus plus chagrins et plus défians, demandent à la diplomatie l’amélioration du sort de leurs frères.

Dans un ouvrage publié en 1830, sur l’Indépendance de l’Italie, M. Marochetti proposait aux souverains de l’Europe de faire de l’Autriche une puissance entièrement danubienne, en lui donnant une partie de l’empire ottoman en échange de la libération de l’Italie. Cette utopie, toute grande et belle qu’elle puisse être, n’en restera pas moins impraticable. Les souverains de l’Europe ne font entrer pour rien dans leurs calculs le bonheur des peuples. Leurs ruses n’ont d’autre but que leur despotisme. Les nations sont trop peu de chose, pour qu’ils se dérangent à leur intention, ou bien elles sont trop à craindre pour qu’on ouvre la voie à leur ambition par un changement.


Et voici la dernière preuve que nous pouvons donner de l’émancipation certaine des peuples. L’Histoire de Russie[1], publiée par M. L. Paris, d’après les chroniques nationales, nous montre le despotisme et l’esclavage disparaissant peu à peu de ce terrible empire ; ce n’est qu’en introduisant la liberté en Russie que Nicolas a pu la détruire en Pologne. Nous pensons bien que ce n’est pas en vain que Dieu a établi ce majestueux concert des pensées européennes.


H. Fortoul.
  1. Histoire de Russie, d’après les chroniques nationales, par Louis Paris, 1 vol.