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nous devions les estimer encore. Aussi, que Philippe de Commines se voue tour à tour au droit de Bourgogne et au droit de France, que Machiavel paraisse osciller entre la démocratie de Florence et la tyrannie des Borgia, on tolère ces incertitudes. L’absence de croyances n’est pas nuisible à ces hommes ; elle faisait leur force et leur gloire : car ce n’est point par les origines de leur raison, mais par les applications, qu’ils brillent.

Cette froideur dans les grandes aventures de la vie, qui caractérise le génie des ministres du xvie siècle, ne nous paraît point convenir aux hommes d’état d’aujourd’hui. Les questions générales sont, grâce à Dieu, mieux posées en ce temps-ci qu’en celui-là ; elles ne permettent plus l’indifférence ; et si nous trouvions dans un homme de parti la sécheresse des premiers politiques, nous devrions penser bien mal de l’opinion qui aurait été contrainte de se choisir un tel représentant.

M. de Peyronnet est ainsi. Il argumente sur les politiques diverses avec un sang-froid intolérable, il cherche les conséquences, et ne s’inquiète pas des bases. Il a une dialectique peu variée, mais opiniâtre ; il déduit de la souveraineté du peuple son absolution, et de la légitimité son panégyrique ; il raisonne sur les petits détails et s’abstient des grandes affaires ; il discute, il dialogue ; il ferraille avec la pensée, comme avec une arme terne ; il m’a tout-à-fait l’air d’un homme qui perce le mur de sa chambre avec la moitié d’un fleuret. Il était fait entièrement pour les chicanes obscures du parquet, et toute espèce de régime devait trouver en lui un excellent avocat-général.

La dialectique dont use M. de Peyronnet est mesquine. C’est un petit sentier épineux qui n’ouvre jamais de perspectives. Quelquefois il conduit à des précipices ténébreux, vers des antres où aucune lumière ne luit, et où l’on tombe dans la terreur du néant. Voulez-vous voir par quel dogme la restauration prétendait remplacer le consentement du vote national ? C’est par la guerre civile. M. de Peyronnet établit la nécessité de ces dissensions fratricides ; il voudrait seulement les faire plus rares et moins féroces. Voulez-vous savoir pourquoi on ne doit pas abolir la peine de mort ? C’est qu’il y a des hommes dont la misère est si grande, que les plus affreux supplices, hormis celui-là, ne leur sont point suffisamment cruels.

Toutes les premières pages sur la justice, composées par le ministre pendant l’instruction de son jugement, ont bien l’air d’avoir été écrites devant l’échafaud ; mais, malgré les infortunes de l’auteur, ces pages sont empreintes d’une telle dureté, qu’en vérité ce n’était pas Cinq-Mars qui eût pu les écrire, mais plutôt Laubardemont.

Le traité du serment politique qui suit est une controverse sans con-