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d’outrager. Nous ne pouvons taire cependant combien la fadeur de toutes ces sensations privées est générale aujourd’hui. Nous aurions été fâchés de ne pas rencontrer les loisirs de M. le vicomte Villiers du Terrage ; ils nous donnent la mesure de la vie puérile et peureuse qu’on mène autour de certains foyers. Nous ne voulons pas nous dissimuler les superstitions insensées que les troubles du siècle jettent dans une multitude d’esprits faibles. La honte de cette couardise servira à raffermir nos ames.


Nous ne croyons pas que l’esprit de parti soit assez puissant pour assurer une renommée véritable aux Pensées de M. de Peyronnet[1]. Ce livre, plus grave et meilleur que ceux dont nous venons de parler, n’a point cependant la marque de grandeur que lui pouvait donner l’infortune. Nous ne devons pas montrer plus de miséricorde pour la métaphysique du prisonnier, que nous n’aurions eu de patience pour les prétentions du ministre. L’adversité n’a point élargi, le moins du monde, les systèmes étroits de ces derniers et impuissans défenseurs de la vieille monarchie.

L’envie que tous les ministres déchus ont eue de mettre au grand jour le talent vanté en eux par leur coterie, a tourné à la dérision de ce parti, qui ne sait même plus discerner ses faiblesses. Vieillard près de s’éteindre, il est tombé dans l’atonie de l’enfance. Le livre de M. d’Haussez sur l’Angleterre était aussi ignorant que possible. L’ouvrage de M. de Montbel n’aurait pas été lu, s’il n’avait parlé du duc de Reichstadt. Ce que nous reprocherons au livre de M. de Peyronnet, c’est l’absence de toute passion ; une raison bornée, incapable d’émotions, voilà le secret de cette fausse grandeur que le malheur n’a pas ennoblie.

Lorsque l’antique et féodale monarchie était déjà chancelante, lorsqu’elle s’affaissait avec les croyances religieuses qui la soutenaient, lorsque le vaste réseau du catholicisme tombait peu à peu au-dessous du niveau de l’humanité, lorsque le xvie siècle approchait, lorsque l’ancienne communion des idées et des passions était déchirée par le rationalisme de l’hérésie, si quelques hommes d’état se levaient, impassibles devant les choses qui tombaient, trop loin encore des choses qui allaient être pour les attendre, insoucians du droit, profitant du fait, mettant toute leur sagesse à naviguer habilement dans la tempête de leur siècle, relevant de leur raison individuelle, et n’ayant pas le temps de l’agrandir à des usages généraux ; certes, ces hommes étaient assez différens de ceux qui les environnaient, ils avaient dépensé assez d’énergie à chercher en eux-mêmes leur point d’appui, ils étaient d’assez héroïques lutteurs pour que

  1. Pensées d’un prisonnier, 2 vol. in-8o ; chez Allardin.