Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/281

Cette page a été validée par deux contributeurs.
277
DE LA RÉFORME COMMERCIALE.

Puisque je viens de parler des fers, je reproduirai ici la principale partie de l’Exposé de M. Thiers en ce qui concerne cette industrie ; elle renferme, sans aucun doute, l’argument le plus net, le plus direct, le plus spécieux, qui ait encore été invoqué en faveur du système restrictif.


« Le droit à l’abri duquel se développent les fers n’est-il pas trop élevé ? N’est-il pas fâcheux pour l’agriculture, pour la navigation, pour tous les arts, de payer 30 et 32 francs des fers que les Anglais, sans notre tarif, donneraient à 16, et même quelquefois à 13 francs ? Nous en convenons, et pour laisser au raisonnement toute sa force, nous ne dissimulons pas le bas prix auquel les Anglais nous livreraient leurs fers[1]. »

« D’abord nous répondrons que cette plainte tant répétée de l’agriculture et de la navigation n’est pas juste ; car on pourrait dire à l’agricul-

    rait être détruit, et compromettre par là la popularité du roi et de sa dynastie ? Cependant je tiens d’une source certaine que, sur cette question, le roi a formellement déclaré qu’il entendait que ses intérêts particuliers fussent mis entièrement hors de cause. Mais qu’importe à l’impitoyable cupidité de nos monopoleurs la popularité du roi et de sa dynastie ? Pour eux, le meilleur chef de l’état sera toujours celui qui maintiendra leurs priviléges. »

    L’affirmation de M. J.-B. Delaunay sur la déclaration du roi, par rapport à la question des fers, est grave. M. Delaunay n’affirme que ce qu’il sait bien. Je ne saurais trop recommander aux personnes qui s’occupent de ces questions aujourd’hui si controversées les écrits de cet excellent citoyen, de cet économiste pratique.

  1. En voulant laisser au raisonnement toute sa force, M. Thiers ne s’est pas aperçu, sans doute, qu’il lui donnait trop de force. Ce prix de 13 francs par quintal métrique de fer anglais, M. Thiers, une page plus loin, dit qu’il n’existe que dans le pays de Galles, et que c’est le prix de revient, qu’à 14 et 15 francs, il n’y a qu’un bénéfice modique, et qu’il faut ajouter pour arriver dans nos ports 2 francs de fret et commission, soit 16 à 17 francs.

    Mais de combien monterait le prix du fer du pays de Galles le jour où le marché français lui serait plus largement ouvert ? M. Thiers ne le dit pas.

    Nous trouverons ce renseignement dans le rapport fait au conseil des manufactures dans sa session de 1831, par un maître de forges, rapport dont la conclusion était, comme on sait, une baisse de 1 fr. par an, pendant cinq ans, à partir de 1835. « Les fers anglais, disait le rapporteur, commencent à remonter. Cela tient au bruit qui s’est répandu en Angleterre que les droits allaient être diminués. » L’augmentation était de vingt pour cent.