Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/280

Cette page a été validée par deux contributeurs.
276
REVUE DES DEUX MONDES.

que de funestes effets en ont été la suite ; que les éleveurs de troupeaux n’en ont pas profité ; que nos fabriques de drap en ont souffert. » Ainsi, voilà une industrie devant laquelle le système protecteur est demeuré plus qu’inutile, plus qu’impuissant. Développée, vous le reconnaissez, avant le droit protecteur, développée par nos communications avec l’Espagne, alors qu’il n’y avait pas de douanes entre elles et nous ; développée, en un mot, par des encouragemens bien entendus, et par le libre échange avec le pays producteur des plus belles laines, cette industrie fléchit et décline le jour où on lui applique le moyen suprême, suivant vous, d’éducation industrielle, cet unique promoteur, à vos yeux, des progrès de la production, le droit protecteur. — Il y a donc des productions, des industries qui ont chance de réussir sans droits protecteurs ? Mais alors, où sont vos formules ? Il y a donc d’autres moyens de hâter les progrès de l’agriculture et des fabriques que les tarifs de douanes ? Mais alors, où est votre système ?

Si la funeste influence du droit restrictif de la concurrence étrangère a pu être prouvée pour les laines, à quoi cela tient-il ? Les fabricans de drap français sont riches et nombreux ; ils ont voix et influence dans les conseils des manufactures et dans les chambres ; ils ont pu y faire pénétrer la vérité, et imposer les aveux qu’on vient de lire sur une des plus importantes applications du système restrictif. Supposez que les consommateurs d’autres matières premières importantes, par exemple, les constructeurs de machines qui consomment du fer, fussent nombreux et riches comme les fabricans de drap, et croyez qu’ils vous démontreraient aussi et qu’ils vous amèneraient à confesser qu’ils souffrent notablement du droit sur les fers, et que le plus grand profit du droit n’a pas été pour les maîtres de forge ; ils vous prouveraient, et vous avoueriez, que le droit restrictif de la concurrence des fers étrangers n’a profité surtout qu’aux propriétaires de forêts, c’est-à-dire aux hommes qui exploitent l’industrie la plus facile, la plus oisive. Il est vrai que la France a eu ce bonheur que ces privilégiés du système restrictif tinssent rang parmi ses plus riches propriétaires, et parmi ses plus hautes influences politiques. La chambre des pairs en est peuplée[1].

  1. M. J.-B. Delaunay, président de la commission commerciale du Havre, s’exprime comme il suit dans sa dernière Lettre à M. Duchâtel, ministre du commerce.

    « Avez-vous réfléchi, monsieur, que le roi, en sa qualité de grand propriétaire des forêts, est intéressé dans cette question ? Ou, si cette réflexion ne vous est pas échappée, savez-vous, monsieur, que les antagonistes de notre nouvel état politique se sont emparés de ce fait pour insinuer que le monopole des fers ne sau-