Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/27

Cette page a été validée par deux contributeurs.
23
LETTRE SUR LA PALESTINE.

à peu de distance du chemin, le village de Der-Esner, et trois quarts d’heure plus loin, le village de Beth-Anoun, dont les cabanes sont de boue. Je note minutieusement tous les lieux de cette route, parce que peu de voyageurs ont passé par là. À mesure qu’on s’avance vers Gaza, les plaines s’étendent sur un plus vaste horizon ; leur aspect est monotone comme celui de la mer, comme celui du ciel ; la caravane qui passe, le cavalier bédouin, le chameau traînant la charrue dans la plaine, des troupeaux de chèvres et de vaches paissant à l’aventure, des tourbillons de sable ou de poussière sous les vents d’occident ou du midi, ce sont là les uniques scènes qui varient l’immobile spectacle de ces solitudes. La plaine se montre au loin dépouillée, et ce n’est qu’autour des villages qu’on rencontre des arbres, ce qui forme comme des îlots boisés sur une mer.

Près du village de Beth-Anoun, à deux heures de Gaza, nous avons vu passer le fils du mutselim de cette ville, qui, suivi d’un nombreux cortège, allait offrir au pacha d’Acre trois beaux chevaux noirs, à l’occasion de la fête du beyram. Les trois coursiers avaient chacun un Arabe qui les tenait par la bride en cheminant à pied. J’ai vu autour de Beth-Anoun des troupeaux de moutons noirs et blancs dont la beauté m’a frappé ; nous n’en avons point d’aussi beaux en Europe. Les bergers portent une sonnette ; j’ignore si c’est pour écarter les bêtes sauvages ou pour rallier les troupeaux. J’ai observé de près la charrue arabe, infiniment plus simple et plus légère que la nôtre ; notre lourde charrue semble n’avoir été faite que pour déchirer des terres infécondes ; l’instrument du laboureur arabe, destiné à un sol fertile, pourrait être traîné par un ânon. C’est à Beth-Anoun que la nuit nous a surpris ; là, le chemin de Gaza tourne au sud-ouest, et là aussi commence une forêt d’oliviers qui se prolonge jusqu’à la ville ; cette forêt d’oliviers m’a rappelé celle que nous avions vue en allant du Pirée à Athènes ; seulement les arbres y paraissent moins pressés et moins épais ; le soleil y pénètre assez pour mûrir les moissons. Nous sommes entrés dans Gaza à dix heures du soir ; la ville était silencieuse et comme endormie sous le noir manteau de la nuit ; aucune lumière n’éclairait la cité, excepté quelques petites lampes de verre suspendues à côté d’oratoires de santons ; au milieu de cette obscurité muette,