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DE LA RÉFORME COMMERCIALE.

à l’industrie nationale le marché intérieur, but que l’on atteint, soit en prohibant à l’entrée le produit étranger similaire, — ainsi sont prohibés aujourd’hui à l’entrée, en France, les draps, lainages, poteries, verreries, cristaux, plaqué, fils de coton, fabriqués hors de France, — soit en frappant les produits étrangers de certains droits qui en élèvent le prix à la frontière au taux où s’y vendent les produits similaires nationaux. Ces droits, perçus au moyen de tarifs de douanes, sont appelés droits protecteurs ; on voit qu’ils restreignent la concurrence étrangère ; on les appelle aussi pour cette cause droits restrictifs.

Selon quelques partisans de la liberté commerciale, c’est-à-dire de l’absence de droits de douanes, restreignant ou empêchant la concurrence des diverses nations entre elles, une prohibition ou un droit protecteur sont choses identiques entre elles, et d’effet absolument semblable. Dans la dernière commission de la chambre des députés, chargée d’examiner le projet de loi de M. Thiers, la minorité a, sur ce point, consigné son opinion en ces termes :

« Les membres de la minorité regardent le système raisonné de protection, au moyen de droits modérés ou sagement pondérés, comme une vaine théorie ; car, selon eux, une taxe n’est protectrice que si elle est assez élevée pour écarter la concurrence étrangère, en couvrant toute la différence des prix aux lieux de consommation ; ce système prohibe de fait ; sinon, il ne protège pas ; il est donc absolu dans tous ses cas d’application ; or, le système prohibitif est un privilége attribué à certaines classes d’industries ; il est nuisible au développement naturel de celles qui ne sont pas protégées, nuisible aux intérêts des consommateurs, nuisible aux contribuables en privant le fisc de ses occasions de perception, nuisible aux protégés eux-mêmes réduits aux moindres profits par la concurrence des producteurs intérieurs, sous une condition de prix relativement élevée qui les exclut de tous les marchés étrangers ; de telle sorte qu’en tous pays, les industries ont partout et de tout temps prospéré en raison inverse de la protection effective des tarifs, et en raison directe de la liberté dont elles ont joui. »

Je crois qu’il y a ici exagération ; il est certaines industries pour lesquelles une prohibition absolue du produit étranger est différente, sans aucun doute, de l’admission sous un certain droit ; ainsi les draps et poteries : la contrebande est difficile pour ces articles, et la prohibition empêche d’une manière à peu près absolue l’entrée des draps et poteries étrangères. Il est d’autres industries, et c’est le cas le plus général, pour lesquelles le droit restrictif n’équivaut pas à une prohibition de fait. Par exemple, le droit restrictif imposé sur les houilles étrangères à leur en-