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regarderait à l’égal d’un déni de justice un nouvel ajournement de la loi de douanes, ou une loi pareille à celles qui, successivement, ont été présentées par MM. de Saint-Cricq, d’Argout et Thiers.

Au surplus, voici venir une chambre ayant cinq ans devant elle, et qui, dans l’impossibilité où le pays se sent encore de résoudre aucune des graves questions sociales qui fermentent depuis quelques années, a reçu pour mission de combler le déficit financier, chose impossible si de nouvelles sources ne sont pas ouvertes à l’industrie et au commerce. Elle sera guidée dans cette partie de son travail par un ministre qu’accompagne la confiance publique, qui a derrière lui des écrits significatifs en faveur de la liberté commerciale, et devant lui un bel avenir, s’il demeure ferme dans la ligne que lui tracent ses anciennes convictions : ce sont là sans doute de bons élémens d’une loi de douanes ; mais le plus puissant de tous, je le répète, c’est l’état de l’opinion.

Ce progrès accompli parmi nous, il n’est pas possible de le nier aujourd’hui, en présence de l’intérêt général et grave qu’obtient de tous côtés l’enquête récemment ouverte par M. Duchâtel. Si, d’ailleurs, l’opinion publique avait eu quelque chose encore à apprendre sur ce point, l’attitude prise par quelques-unes de nos villes manufacturières, leurs exigences si naïvement empreintes de tout ce que l’intérêt privé peut présenter de plus exclusif, les menaces de quelques-unes, les plaintes de la presque unanimité d’entre elles sur l’assiette de l’impôt, et sur les bases fondamentales en elles-mêmes du système douanier, suffiraient pour achever d’éclairer le pays.

On peut donc affirmer que la pensée de la réforme commerciale est définitivement installée parmi nous. Mais quelles en seront les bases et les limites ? Par où commencer ? Où s’arrêter ? Quel terme fixer pour l’accomplissement de la réforme, et dans ce terme, quelles gradations adopter ? Questions difficiles, irritantes, qu’on ne peut agiter sans répandre l’inquiétude dans les ateliers, sans apporter du trouble dans les relations commerciales, sans éveiller les ruses de l’intérêt privé, sans demander compte de secrets, ou de fautes, ou de profits qu’on s’était habitué à envelopper de mystères. Mal incontestable, et moins incontestable cependant, moins sérieux, moins profond, que le statu quo, que le maintien pur et simple de ce système d’inégalité, de priviléges, de retardement et de guerre entre les nations, qu’on appelle système protecteur, ou prohibitif, ou restrictif, ou douanier.

Quelques mots d’explication d’abord sur ces différens termes.

Les défenseurs du système douanier posent en principe que le gouvernement doit protection à l’industrie ; que cette protection consiste à réserver