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son bras se lève pour défendre de la honte les cendres de son amour.

Ce n’est pas, comme on pourrait le croire, la férocité qui reprend le dessus. S’il avait soif de sang, que ne prenait-il celui d’Octave ? Non, c’est un sentiment plus généreux et plus haut. Il ne touchera plus les dalles du temple ; les portes du sanctuaire se sont fermées derrière lui ; le Dieu qui demeure n’entendra plus ses prières. Mais si la foule ignorante veut souiller l’autel, n’est-ce pas au prêtre exilé qu’il appartient de la châtier ?

il faut plaindre ceux qui ne protègent pas leurs souvenirs ; car ils méritent vraiment une pitié sérieuse. Railleurs imprévoyans qui foulent aux pieds leurs enthousiasmes d’hier, et qui flétrissent d’avance leurs adorations du lendemain, qui se croient sages parce qu’ils se méprisent !

Je conçois donc très bien le réveil de Jacques, et je ne m’étonne pas qu’il mette l’épée à la main pour une femme qui vivra loin de lui. C’est le dernier cri de la chair, le dernier soupir de l’humanité ; le sang se glace ; les artères s’arrêtent, le regard immobile agrandit les orbites, le front s’élève, les tempes se dépouillent ; le bronze est figé : il n’y a plus qu’une statue.

Ainsi transfiguré, quel sera désormais le rôle de Jacques ? Il a fait pour le bonheur de Fernande tout ce qu’il pouvait faire. Sa vie est inutile et vide. Nul autre amour ne peut ranimer ses forces et lui rendre parmi les hommes une place digne de lui.

Il est de trop sur la terre. Sa divine abnégation n’a pas cicatrisé sans retour les craintes qu’il espérait guérir. Son nom, inscrit sur les murs enflammés, réveille en sursaut les convives. Il faut qu’il s’en aille et ne revienne plus ; il faut qu’il leur fasse à tous deux un sommeil serein et des joies sans nuages.

Dieu tarde bien à le rappeler. Lui ferait-il un crime de hâter le voyage ? Après l’attente résignée, quelques jours de plus ou de moins pèseront-ils dans la balance ? L’expiation n’a-t-elle pas devancé la faute ?

Jacques se tue avec l’espérance de retourner à Dieu.


Je ne crois pas qu’il y ait en ce temps-ci beaucoup de poèmes comparables à celui que je viens d’analyser. Je n’ai rien dit des