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L’ARÉTIN.

et même (sentiment plus délicat encore) pour le peintre qui lui avait donné des jouissances. Nous le verrons s’attacher sincèrement à Titien ; et des affections réelles germer dans cette ame plus grossière que méchante, plus capricieuse que noire.

Bien vu de François Ier, l’Arétin fait une absence de quelques jours. « Reviens vite, lui écrit Médicis. Le roi s’est plaint hier que je ne t’aie pas amené avec moi. Je lui ai donné pour excuse que la cour t’agréait mieux que l’armée : il m’a fait promettre que je t’aurais bientôt, et j’ai juré que ton absence durerait peu. Viens donc, et pour ton propre avantage et pour me voir, moi qui ne puis vivre sans l’Arétin[1]. »

J’aurais été curieux d’entendre la conversation morale de l’Arétin et de François Ier.

Il fût devenu seigneur, prince, grand feudataire, il eût reçu je ne sais quel manteau de titres et d’honneurs qui eût à jamais couvert tout le reste, si le Grand-Diable eût vécu. « Combien de fois (dit le poète dans un capitolo), Jean de Médicis m’a-t-il répété près de Milan : Pierre ! si Dieu et la fortune me font échapper à cette guerre, je te rendrai maître et seigneur[2]. » Cependant on commençait à se battre, et notre Panurge, favori du capitaine des bandes noires, trouva plus agréable et plus sûr de s’amuser à Rome que de suivre l’armée. Giberti, ce même dataire qui n’aimait pas l’Arétin, avait une cuisinière fort jolie : Pietro lui fit la cour ; il avait pour rival heureux, à ce que l’on prétend, un gentilhomme de Bologne, nommé

  1. Lettere scritte all’ Aretino, tome i, page 6.

    « Il re ieri a buon proposito si dolse che non ti haveva menato meco al solito, onde io diedi la colpa al piacerti più lo stare in corte, che in campo : e nel replicarmi la maestà sua che ti scrivessi, facendoti qui venire, gli feci giuramento, che non saria poco. So che non manco verrai per tuo benefitio, che per veder me, che non so vivere senza l’Aretino. »

  2. Opere burlesche dell’ Aretino ; tome i, capitolo al Duca di Firenze.

    Sotto Milan dieci volte non ch’una
    Mi disse : Pietro, se di questa guerra
    Mi scampa Dio, e la buona forluna,
    Ti voglio impadronir della tua terra…