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JACQUES.

les impatiences de Jacques. Elle s’étonne de la singulière parenté de ces deux caractères. Elle compatit sans réserve aux douleurs qu’elle a connues. Peu à peu elle se laisse aller elle-même aux plaintes et aux confidences. Elle oublie son rôle de médiateur désintéressé. Au lieu d’intercéder pour Octave, comme elle devrait le faire, elle prend plaisir à parler d’elle-même et de son abandon.

Qui ne sait comme les pleurs mènent aux baisers, comme les cœurs s’embrasent en s’épanchant, comme la mutuelle confiance s’exalte jusqu’à l’extase, comme l’amour grandit à notre insu et nous maîtrise avant que nous ayons pu le deviner ? On croit demander des consolations, on s’afflige ensemble avec une entière bonne foi, et l’on ne parle que pour s’écouter.

Les rendez-vous se multiplient. Octave et Fernande sont encore purs. Jacques et Sylvia séparent encore ces deux cœurs qui ne se savent pas ; mais Jacques les a surpris. Il a vu Octave baiser la main de Fernande. Il se croit trahi : il part. Il est trop fier pour avouer ses soupçons, trop généreux pour les vérifier. C’est une grande vertu et une grande faute ; combien de jalousies n’ont été impuissantes que pour s’être avouées trop tard !

En son absence, le danger grandit. Sylvia réfute ses craintes et le ramène à Fernande ; mais le mal est irréparable.

Fernande essaie en vain de lutter contre l’amour d’Octave. Elle épuise à le guérir et à le consoler les forces qu’elle devrait employer contre elle-même. Il veut partir désespéré, et c’est elle qui le retient. Il tremble de flétrir son bonheur, et de ternir le nom de Jacques, et c’est elle qui l’accuse de lâcheté. Elle lui promet la tendresse d’une sœur, et le supplie de rester comme un ami nécessaire à sa vie de tous les jours.

Octave se rend aux prières de Fernande, il promet de l’aimer saintement et de respecter le serment qui les sépare. Mais à son tour Fernande sent fléchir son courage et se décide à partir. Elle s’en va pour ne pas céder, et ses adieux sont plus terribles encore que sa présence. Elle écrit ce qu’elle n’oserait dire, elle avoue son amour et sa faiblesse.

Jacques assiste vivant à la ruine de ses espérances, il voit tomber pierre à pierre l’édifice de son bonheur, et il n’avance pas la main pour étayer le mur qui s’écroule. Il se résigne. Il permet la lutte