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L’ARÉTIN.

il attend la première occasion de mieux boire : la barbe majestueuse dont son menton est chargé ne l’ennoblit pas ; c’est un satyre ; ce n’est pas un philosophe.

Si vous examinez le revers de ces médailles, suspendues au lambris, et qui toutes sont fidèles au portrait que nous venons de décrire, vous trouverez sur l’une cet exergue insolent : Veritas odium parit ; « la vérité engendre la haine. » L’artiste a représenté « la Vérité nue, couronnée par la Gloire, et mettant au monde un satyre qui représente la Haine et que Jupiter va foudroyer. » Sur le revers d’une autre médaille, on voit « l’Arétin couronné, vêtu de la longue robe impériale, assis sur un trône élevé, recevant les hommages et les présens des peuples. » L’exergue est admirable : I principi, tributati dai popoli, il servo loro tributano. « Les princes, qui ont leurs peuples pour tributaires, deviennent les tributaires de leur esclave. » L’Arétin lui-même a donné le dessin et l’exergue de ces deux médailles, mélange caractéristique de bassesse et d’insolence.


Ne désirez-vous pas que l’original du buste et des médailles, le grand homme, paraisse enfin ? Le voici. Il porte la chaîne d’or de Charles-Quint ; à peine vous regarde-t-il. S’il s’excuse de vous avoir fait si long-temps attendre, il se servira sans doute des mêmes termes impudens qu’il emploie dans ses lettres, lorsqu’il conjure ses amis d’excuser l’homme d’Italie le plus occupé, dit-il, le plus visité, le plus caressé, le plus ennuyé.

Mais il s’avance au milieu de ses propres images et du culte de sa personne, qu’il a établi dans sa maison, le divin Arétin, le héros littéraire de l’Italie. Il s’avance de cet air insolent et désinvolte, commun à tous les charlatans de la plume, de l’épée, du pinceau et du théâtre.

« Veuillez m’excuser, vous dit-il, si je n’ai pu me débarrasser plus tôt de ces visites importunes. Il afflue chez moi tant de seigneurs[1], on me rompt si continuellement la tête de visites in-

  1. Ce sont les propres paroles de l’Arétin ; « Tanti signori mi rompon continuamente la testa colle visite, che le mie scale son consumate dal frequentar dei lor piedi, come il pavimento del Campidoglio dalle ruote dei carri trionfali.