au siècle de Shakspeare, et à l’ame de Shakspeare, compte des études sublimes dont ce grand homme a doté le monde ; — ou quand, malgré l’obscurité d’un nom perdu, j’ai voulu fouiller ta vie pauvre, décréditée, ignorée, calomniée, auteur sublime de Robinson, Homère des enfans ; — que ceux-là ne méprisent pas d’avance des recherches que le mot Arétin pourrait flétrir à leurs yeux ! C’est encore ici un phénomène fécond, un problème indiqué par tous les biographes, et que personne n’a résolu ; une renommée qui ne s’explique pas ; un homme ignoré qu’il faut comprendre, un groupe historique, couvert de ténèbres. Éclairons-le.
Au lieu de l’auteur orgiaque, furieux de sensualité, que diriez-vous, si vous ne rencontriez qu’un bon Nonchalant, ami de ses aises et les achetant de son ignominie ; au lieu d’un monstre, un voluptueux sans idée fixe ; au lieu du représentant de la férocité sensuelle, un homme qui a faim et soif, un aventurier décidé à bien vivre ; au lieu d’un Zoïle acharné, un pauvre garçon qui aimerait mieux louer que médire, et qui, tout en vous couvrant d’outrages, ne veut qu’obtenir le droit de vous couvrir d’éloges, c’est-à-dire quelques écus de votre bourse ?
Une époque et une civilisation sans principes ont créé cet écrivain sans principes, modèle de tous ceux qui n’en ont pas.
Avant de juger l’Arétin, montez chez lui. Il demeure à Venise, sur le Canal-Grande, en 1530[1]. Vous reconnaîtrez sa maison, ou plutôt son palais, à la belle tenture de soie rouge rayée de bleu qui se joue au soleil, que le vent soulève, et que le marquis du Guast
- ↑ Tous les traits qui composent le tableau suivant se trouvent dans les lettres privées de l’Arétin (6 vol. in-12, Paris), dans les lettres qui lui furent adressées (2 vol. in-12, Venise), dans les lettres d’Alde Manuce le vieux, son contemporain ; dans le voyage de Landi en Italie (cose memorabili d’Italia, etc.) Il suffit d’indiquer ces sources et d’affirmer que tous les détails sont exacts ; ou fera grace au lecteur des notes innombrables dont il aurait fallu cribler le texte, pour