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elle se dit qu’elle n’est pas faite pour lui, qu’elle est trop peu de chose pour remplir sa vie. Et le jour de cet aveu, elle est perdue. — C’est là le troisième acte.

Jusqu’ici, on le voit, l’action est vive et dégagée. Les caractères de Jacques et de Fernande ne se démentent pas un seul instant et demeurent fidèles au début. Une fois séparés, ils ne doivent plus se rejoindre. Le lac une fois troublé ne reviendra plus à sa limpidité première.

L’intimité, si douce aux amours naissantes, si pénible aux amours qui se dénouent, est un fardeau trop pesant pour Jacques et pour Fernande. Jacques appelle auprès de lui Sylvia, sa sœur bien-aimée. Il espère qu’elle distraira Fernande, lui enseignera la force et le courage, et consolera sa jalousie en lui montrant qu’il y a des larmes pour l’oubli comme pour le regret. Si nous ne pleurions que les images chéries, nos yeux désapprendraient les larmes. Mais l’oubli qui engloutit tant de bonheurs et d’espérances, l’oubli imprévu et fatal n’est pas une de nos moindres douleurs. Si l’homme est petit par la brièveté de ses affections, s’il doit rougir de la violation de ses promesses, n’est-ce pas une honte aussi que le prompt effacement de ses regrets ? Le temps est un rude moissonneur qui fauche nos afflictions et nos joies, qui noue, comme une gerbe mûre, nos sermens les plus sincères, et qui les emporte avec lui.

La jeunesse et la beauté de Sylvia déplacent la jalousie de Fernande au lieu de l’apaiser. Les caresses familières de Jacques, partagées entre deux femmes, sont une énigme impénétrable pour le cœur de la jeune fille. Mais son inquiétude ne tient pas contre l’amitié dévouée de Sylvia. Elle se confie à elle, elle lui révèle ses chagrins et lui demande conseil.

Arrive Octave qui voudrait ressaisir l’amour de Sylvia. Il ne se montre pas d’abord, il se déguise et guette sa maîtresse. Mais, après bien des poursuites inutiles, il se décide à invoquer la médiation de Fernande. Il s’adresse à elle pour fléchir Sylvia. Fernande se laisse attendrir et accorde un rendez-vous. Ce premier pas, loin d’être une faute à ses yeux, est une action glorieuse et méritoire. Elle souffre tant de ne plus être aimée comme elle voudrait l’être ! Elle mettra tout en usage pour réunir deux amans. Elle écoute les plaintes et les confidences d’Octave. Elle compare les dédains de Sylvia et