Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/198

Cette page a été validée par deux contributeurs.
194
REVUE DES DEUX MONDES.

cipe de vie commune et de compatibilité d’humeur. Le bruit du monde lui plaît, il a besoin de cet éclat que reflète le pouvoir, et des services qu’il peut rendre aux amis qui l’entourent. M. Decazes ne peut être chef de parti, il subit les disgrâces et les manques de foi avec une résignation qui évite ces ruptures brusques et malheureuses avec le pouvoir et les affaires. Certes, le ministère l’avait profondément blessé dans la question d’Alger ; la position était promise, les engagemens réciproques pris ; puis voilà tout à coup une rupture qui arrive, brusque et saccadée. Eh bien ! M. Decazes tout mécontent qu’il était, voyait avec effroi que les procédés du ministère allaient le jeter dans l’opposition, non pas qu’il se fût donné corps et ame au ministérialisme, mais parce qu’il prévoyait que les attaques d’une opposition modérée devaient renverser non-seulement le ministère, mais le pouvoir[1].

Mécontentement de Broglie. — M. de Broglie a quitté les affaires en honnête homme, avec le sentiment de sa position et de sa dignité. On l’avait engagé, compromis ; il est sorti à temps. Profondément ulcéré contre les collègues qui l’avaient trompé, contre l’intrigue qui l’a renversé, il n’exprime point à la tribune les douleurs de sa disgrace, il cherche à les secouer dans les voyages, et ne les dit que dans l’intimité ; il ne formera pas plus que M. Molé un parti, mais il seconderait un mouvement parlementaire ou une action politique qui modifierait le conseil dans un sens honorable et plus fortement tranché dans ses doctrines. Son amitié pour M. Guizot n’a point cessé ; tant que celui-ci sera au pouvoir, M. de Broglie secondera la fraction qui entoure le ministre de l’instruction publique. Si M. Guizot était forcé de se retirer, voici quel est le plan des doctrinaires : à la chambre des pairs, M. de Broglie serait l’expression vivante de leur système ; à la chambre des députés, M. Guizot appuierait de son influence tour à tour le pouvoir et les partis selon les circonstances.

En prenant donc tous ces mécontentemens isolés, nous répétons qu’ils ne forment point une opposition légale, parlementaire, dans le sens de ces

  1. Ces pages étaient écrites avant l’ordonnance qui nomme M. Decazes grand-référendaire.

    La position nouvelle qu’on a faite à M. Decazes, l’a sans doute rapproché des ministres, mais comme il est loin d’approuver leurs actes, on peut compter qu’il se trouvera naturellement appelé à les combattre dans une occasion plus ou moins rapprochée.