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ne peut pas exister comme corps, avec de telles forces qu’elle puisse dans l’avenir remplacer le système actuel par un nouveau système. Toutefois, s’il n’y a pas d’opposition régulière entourant des principes et un avenir politique, il y a des mécontentemens dans la chambre ; et pour toujours classer nos propres pensées, afin de les rendre plus claires, nous les personnifierons en quatre hautes têtes qui exercent aujourd’hui de l’influence sur la pairie.


Mécontentement Bassano. — M. Maret a été jeté tout récemment dans la chambre des pairs ; il a ambitionné immédiatement de se créer un parti. C’est un esprit exact, poli, avec des formes de salon, malheureusement avec la tendance de l’empire, sans avoir compris la grande destinée du génie qui y présidait ; c’est un de ces hommes, comme l’a si bien dit M. de Talleyrand, qui ont vécu dans la chemise de Napoléon sans le voir et sans le comprendre. Avant la révolution de juillet, M. de Bassano avait fait toutes sortes d’avances à la restauration ; il voulait alors être pair de France. Qui ne l’a vu aux réceptions des Tuileries avec ses ailes de pigeon, sorte de manière de faire sa cour au vieux régime, habit de velours bleu ciel, épée d’acier à la française suspendue transversalement ; véritable voltigeur de Louis xiv dont le parti impérial s’était autrefois tant moqué ? Il arrivait là avec des idées qui ne devaient point déplaire : ce système absolu que la légitimité rêvait sous l’encensoir, comme Napoléon l’avait établi sous sa large épée. Bien des bruits ont couru à l’occasion de certain mémoire que le duc de Bassano présenta à Charles x sur la situation politique, où les traditions de l’empire étaient si souvent invoquées pour consolider le trône et la dynastie de saint Louis. Je ne crois pas M. le duc de Bassano à la hauteur du rôle qu’il veut se donner, et du poste qu’il ambitionne : le ministère des affaires étrangères et la présidence du conseil. Les temps sont changés ; le pouvoir ne consiste plus, comme au temps de l’empire, à exécuter les ordres d’un maître, mais à agir sous une grande responsabilité. S’imagine-t-on, par exemple, qu’on avait eu un moment la pensée de composer un ministère dont les élémens devaient être ceux-ci : M. de Bassano aux affaires étrangères, M. Dupin à la justice, M. Étienne à l’instruction publique ? On disait à cela qu’on satisfesait le parti impérial. Mais qu’est-ce que le parti impérial aujourd’hui ? Vieilli dans sa pensée, vieilli dans ses hommes, ce n’est plus que de l’histoire.


Mécontentement Molé. — M. Molé a été le ministre des affaires étrangères de la révolution de juillet. Chacun sait ses services au moment où