Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.
180
REVUE DES DEUX MONDES.

§. i. — Parti légitimiste.

J’ai divisé le parti légitimiste en deux nuances : celle qui va droit au principe du gouvernement, l’attaque dans sa source, nie la légalité de son origine ; en un mot la fraction qui se personnifie dans la chambre des pairs en MM. de Brézé, de Noailles et Dubouchage ; puis celle qui se transforme en tories conservateurs, moins saisissable que l’autre, parce qu’elle n’attaque que les choses et non les hommes. J’ai cherché à la peindre en lui donnant pour double expression M. Mounier et le comte Roy.

Le vicomte de Brézé est jeune encore ; je crois qu’il appartient à ces principes philosophiques, à cette couleur mystique et religieuse qui a eu un éloquent organe dans l’ancien journal l’Avenir. Seulement M. de Brézé, immédiatement dévoué à la royauté exilée, sait bien que ce n’est point par les théories qu’on arrive à des résultats : la philosophie est bonne dans cette partie poétique de la vie de l’homme qui se détache des choses terrestres pour se concentrer dans l’intelligence de soi, et dans les rapports moraux avec ses semblables ; mais qu’est-ce que la philosophie quand il s’agit de partis, d’opinions, toutes choses actives, brûlantes qui courent après les faits ? M. de Dreux-Brézé s’est donc attaché au positif des opinions, à la discussion des intérêts matériels, et de là ses études sur le budget et sa pensée fondamentalement arrêtée sur le but de toute opposition : la réforme électorale et financière. Le défaut de M. de Dreux-Brézé, c’est de ne pas connaître assez l’assemblée devant laquelle il parle : d’où ses emportemens, cette manière trop vive d’aborder les questions, ce qui est peu en rapport avec l’esprit de la pairie. Certes, en ménageant un peu le tempérament de ses collègues, les sympathies de M. de Dreux-Brézé correspondraient à bien d’autres sympathies ; mais tout bruit trop fort, toute expression trop bruyante déplaît au patriciat fatigué : on sait ce que M. de Dreux-Brézé désire, les dévouemens de sa famille, les engagemens qu’il peut avoir ; de là encore ce peu de retentissement que trouvent ses opinions. Avec un talent très remarquable d’analyse, avec une saisissante logique, M. de Dreux-Brézé n’a rien dans la voix ni dans le geste de ce qui constitue l’orateur ; sa parole est quelquefois difficile et embarrassée, quelquefois trop impétueuse. Il ne s’est point posé comme homme politique ; il serait malaisé de le classer comme orateur : la thèse de la réforme, brillante et populaire devant la chambre des députés, trouve dans la pairie de si grandes et de si fortes répugnances, que s’en