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de femmes : les Mahométanes, voilées et enveloppées de manteaux, les Arméniennes des deux communions, voilées aussi, quoique chrétiennes ; les Juives, la tête recouverte d’une étoffe blanche, mais la face nue ; les Grecques enfin, entièrement découvertes, et se faisant de leurs longs cheveux bruns une parure mêlée à une coiffure élevée, large, transparente. Ici se rencontrent, presque à chaque pas, des traits admirables de régularité, d’élégance, de délicatesse : sans doute vous n’y trouvez point de ces tailles sveltes, de ces corsages d’abeilles, de ces tournures ravissantes qui séduisent à Paris ; le vêtement, chez la plupart d’entre elles, écrase les graces du corps ; puis l’habitude du sopha et le défaut d’exercice habituel leur nuisent ; elles ne savent pas marcher ; elles ne sont pas libres. Mais où voir des têtes plus belles de dessin et de coloris ? Ne leur demandez pas, l’expression d’une intelligence déliée et fine, ou d’un sentiment moral élevé ; de quel droit leur demander ce que leur condition ne leur permet pas d’avoir ? Regrettez seulement, regrettez, vous le devez, qu’une création aussi merveilleuse ne soit qu’ébauchée. Un autre désenchantement est celui que vous cause leur voix : elle est monotone et crue ; elle manque du charme de cet accent qui en modifie le son et en varie l’expression par une foule d’heureuses nuances ; leur voix est comme leur figure, sans physionomie ; le voile est aussi dans leur parole. C’est que toutes les femmes du Levant, quelle que soit leur communion, sont tenues dans la servitude, dans la dépendance par la jalousie des hommes : l’église grecque et arménienne, aussi bien que la mosquée, leur assigne une place à part, si ce n’est même deux chapelles distinctes qui ont chacune leur autel et leur office ; dans l’intérieur de la famille, à table, les femmes ont aussi leur service séparé. Parmi ces femmes, les plus émancipées sont les Grecques, et c’est ce qu’elles expriment par leur toilette, plus rapprochée de la toilette européenne, et par une facilité plus grande ou plus apparente de mœurs. Mais celles qui ont le plus soif de liberté, ce sont les Musulmanes : n’est-ce pas ce qu’on peut soupçonner, en voyant avec quel zèle elles mettent à profit l’autorisation que ces fêtes leur donnent de sortir, avec quelle exactitude elles reviennent tous les jours assister aux mêmes spectacles sans se lasser de la mesquinerie monotone de ces représen-