Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/167

Cette page a été validée par deux contributeurs.
163
UNE NOCE À CONSTANTINOPLE.

point tenté de ce repas ? Alors, si vous n’avez aucun droit d’assister au banquet, plus somptueux, des patriarches grec, arménien catholique, arménien schismatique, et du grand-rabbin, faisant ensemble une sorte de cène à l’invitation d’un ministre musulman, si vous n’avez aucune prétention à figurer au dîner de MM. les ambassadeurs et du corps diplomatique, continuons.

De la mosquée allons au bazar, sans crainte de mêler le profane au sacré ; entre eux, la loi de Mahomet a mis moins de distance que celle de Jésus entre le temple et les marchands : souvent même les fondateurs des mosquées, et des écoles qui sont attachées aux plus importantes d’entre elles, ont bâti à leur porte des boutiques, des magasins, des bains, dont les revenus sont affectés à l’entretien du pieux édifice. Mais à quel bazar irons-nous ? Sera-ce à celui des esclaves ? car, malgré les progrès de la civilisation ottomane, aux portes de l’Europe se fait encore la traite noire et blanche. Allons au Tcharché. Le Tcharché est une réunion de bazars, recouverts d’une voûte cintrée, se croisant dans tous les sens, offrant deux rangées de boutiques, plusieurs riches et ornées, boutiques de tapis, d’étoffes, de parfums, de joaillerie, etc., et, entre ces deux rangées, laissant un chemin, où, en plusieurs endroits, se peuvent mêler les piétons, les chevaux, les arabats : c’est comme une petite ville sous un même toit ; la lumière y descend par des ouvertures haut percées sur tout ce mouvement de populations, sur toutes ces couleurs de marchandises, de marchands, d’acheteurs… Aujourd’hui la fête lui a enlevé une partie de son éclat… Et ici, comme dans tout l’Orient, la lumière respecte l’ombre, et des fontaines ajoutent à la fraîcheur. Ces fontaines que vous voyez n’ont rien de remarquable ; mais vous connaissez celle de Sainte-Sophie ; vous en avez vu dans la cour des mosquées ; si les fontaines sont abondantes dans tout le Levant, où elles sont la plupart des fondations pieuses, les plus belles sont peut-être celles de Constantinople, où elles s’offrent en général avec une profusion d’arabesques décorant leurs faces nombreuses et le dessous de la partie saillante de leurs toitures.

Mais suivons rapidement l’aqueduc de Valens, dont la triple arcade, de loin, se dessine si heureusement à l’horizon, et sortons de la ville. Voici peut-être un des restes les plus imposans des con-