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UNE NOCE À CONSTANTINOPLE.

reposant sur le Caucase, le Balkan, le Liban et le mont Atlas, arrosée par le Tigre, l’Euphrate, le Danube et le Nil. Par elle, les Ottomans couronnent l’empire colossal qu’ils ont formé, et devant cette tête imposante le califat de Bagdad fléchit, la Mecque elle-même s’est inclinée ; en elle l’islamisme a trouvé sa Rome. La veuve des Césars, par son hymen avec les sultans, jouit d’une gloire nouvelle. Merveilleuse destinée de l’antique Byzance ! Sous le nom de Constantinople, elle fut la première métropole du christianisme ; sous le nom de Stamboul, elle devient la seconde métropole de l’islamisme ; par Constantinople, l’Occident oscilla vers l’Orient de tout le poids de Constantin et d’Arius ; par Stamboul, l’Orient oscille vers l’Occident de tout le poids de Mahomet ii et de ses héritiers. À cette ville, par son balancement alternatif, appartient l’honneur de préparer l’union de l’Orient et de l’Occident. Que les Ottomans y soient donc les bien-venus, et nous aussi rendons grâces à Allah !

C’est à l’extrémité de Constantinople, à l’entrée méridionale du Bosphore, face à face de Scutari, près de Sainte-Sophie, que le conquérant fixa le siège du pouvoir dans une première enceinte successivement accrue. Qu’il est harmonieux ce groupe de dômes, recouverts d’un plomb aujourd’hui terne, autrefois doré peut-être, d’habitations aux formes carrées, de tours coiffées en pointes, de kiosques, de murailles larges et hautes, s’entremêlant d’arbres au feuillage lustré ou à la verdure plus tendre, de plus avec leur couronne au bout d’une tige nue, et de cyprès enfin érigeant en cône leurs rameaux et leur couleur sévère !

Dans ce massif on ne voit point d’édifice aux dimensions colossales, écrasant tout et réclamant pour lui seul l’admiration, de palais, de parcs, d’avenues, ordonnés avec une pompeuse symétrie ; mais un magnifique ensemble de bâtimens et de jardins se mariant sur l’éminence et la pente d’une colline qui descend par ondulations jusqu’à la mer, et offrant, dans sa diversité, la grace et la grandeur. Là fut déposé l’étendard de Mahomet, palladium de l’empire. Là furent enfermées toutes ces femmes qui composaient le faste de leurs maîtres. Là régnèrent la religion, la politique et l’amour. Là le divan tint ses conseils, et le sérail ourdit ses intrigues. Il y eut là des roses, des parfums d’aloës, de tu-