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REVUE. — CHRONIQUE.

importance. M. de Sémonville, homme trop entendu pour commettre une faute contre les convenances, avait officiellement adressé au maréchal Gérard sa démission, dont nous ne voulons pas rechercher les causes. D’accord avec le roi, le maréchal se rendit le lendemain au château, et apporta, déjà contresignée par lui, l’ordonnance qui nommait le duc Decazes. Le roi y apposa sa signature.

M. Persil arriva quelques momens après, avec l’ordonnance qui nommait les vice-présidens. Le roi lui fit remarquer que les deux ordonnances, étant relatives à la chambre des pairs, devaient être contresignées par le même ministre, et pria le maréchal de s’arranger avec M. Persil. Il y eut un débat. Le maréchal soutint son droit, M. Persil allégua quelques ordonnances de ce genre contresignées par M. Barthe, sous le ministère du maréchal Soult, et finit par l’emporter à force de faconde. Le maréchal, qui tient peu à ses attributions, consentit, de guerre lasse, à laisser à M. Persil les rapports directs avec la chambre des pairs, que le ministre de la justice avait tant à cœur de retenir.

Le but de M. Persil, en retenant les pairs sous sa main, c’était d’avoir plus d’influence dans la discussion qui s’ouvrira encore prochainement au sujet de l’amnistie. Dans ses rapports avec la pairie, M. Persil espère convertir quelques membres de la chambre haute qui se sont déjà prononcés plusieurs fois ouvertement en faveur de cette mesure, et entre autres M. Decazes et M. Pasquier, qui n’ont cessé, depuis plusieurs mois, de la réclamer avec instance. Il importe tant à M. Persil que l’amnistie n’ait pas lieu, qu’il a offert sa démission, si la majorité du conseil faisait adopter cette mesure. On ne peut se figurer avec quel acharnement M. Persil s’oppose à l’amnistie. Dans le conseil, il a invoqué tour à tour la chambre qui va s’assembler, la magistrature, et jusqu’à la garde nationale, qui, disait-il, s’y opposerait les armes à la main. M. Persil déclare avec effroi que le salut de la France dépend de la rigueur qu’on montrera ; il voit le pays perdu, et la fortune publique compromise, si une centaine de malheureux détenus ne continuent pas de pourrir dans les prisons.

Pour mieux faire triompher son opinion, M. Persil en avait appelé, il y a peu de jours, à M. Dupin, qui est absent, et dont les vues politiques sont fort équivoques, comme chacun sait. Personne n’osa contredire M. Persil devant le conseil, car qui pouvait savoir ce que M. Dupin pensait la veille et ce qu’il penserait le lendemain ? On voulut cependant s’assurer de l’opinion du président de la chambre, on écrivit à Clamecy, dans tous les vignobles de la Bourgogne où M. Dupin goûte en ce moment le vin nouveau, et l’on apprit bientôt que M. Dupin ne mettait pas d’empêchement à la clémence royale, si clémence il y a toutefois.