de réforme ; mais il a compris que la vie tout entière n’est pas dans l’étude, et il a reculé devant l’oisiveté du cœur.
Il veut encore aimer, il aimera, quoi qu’il arrive. Il se consultera long-temps avant de s’engager. Il ne prendra pas pour un entraînement sérieux, pour une passion irrésistible, le charme d’une beauté passagère, d’un regard humide et voilé, les tresses blondes et soyeuses jetées sur l’épaule comme un manteau. S’il doit encore aimer, il saura pourquoi ; il ne cédera pas imprudemment à l’ivresse des sens ; il ne se mettra pas à la poursuite du plaisir : il cherchera le bonheur.
Mais Jacques peut-il être heureux encore ? Est-il possible d’aimer sans croire à l’éternité de l’amour ? Prévoir la fin d’une affection naissante, n’est-ce pas désespérer ? N’y a-t-il pas dans cette sagesse austère et résignée quelque chose qui repousse l’amour au lieu de l’attirer ? Cette lumière éblouissante et pure, qui projette ses rayons dans les profondeurs de l’ame, n’est-elle pas trop ardente pour la sève d’une passion dévouée ? Qui tentera de résoudre ces énigmes obscures ? Quelle raison, assez sûre d’elle-même, osera s’engager dans le dédale de ces questions impénétrables ? Est-ce que Dieu nous aurait défendu de savoir et d’aimer tout à la fois ? Est-ce qu’il faut tuer le cœur pour vivifier l’intelligence ? ou bien faut-il imposer silence à la pensée et museler sa curiosité, pour aimer librement, sans prévoyance et sans crainte ? Faut-il ignorer les mers pour affronter la tempête ? Faut-il compter les écueils pour ne pas quitter la plage ?
Ce n’est pas moi qui trancherai ce nœud inextricable. Ce n’est pas moi qui mettrai d’accord le cœur et la pensée ; ce n’est pas moi qui réconcilierai la prévoyance et l’entraînement. Non : dans les douleurs auxquelles j’ai assisté, dans les récits éplorés que j’ai entendus, dans les larmes que j’ai vu couler, je n’ai pas appris le secret de la sagesse heureuse.
Mais le poète a le droit de franchir les doutes du philosophe. Quand la réflexion hésite, l’invention peut passer outre. Ainsi a fait George Sand. Il a mis au cœur de Jacques une soif insatiable d’aimer, et dans sa pensée une prévoyance paisible et sereine. Il lui a donné le courage qui s’empresse au-devant du danger comme s’il ne le soupçonnait pas ; mais il n’a pas cru devoir le déshériter