Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
REVUE DES DEUX MONDES.

CAMILLE.

J’aime la discussion ; je ne suis pas bien sûre de ne pas avoir eu envie de me quereller encore avec vous.

PERDICAN.

À quoi sert de se quereller, quand le raccommodement est impossible ? Le plaisir des disputes, c’est de faire la paix.

CAMILLE.

Êtes-vous convaincu que je ne veuille pas la faire ?

PERDICAN.

Ne raillez pas ; je ne suis pas de force à vous répondre.

CAMILLE.

Je voudrais qu’on me fît la cour ; je ne sais si c’est que j’ai une robe neuve, mais j’ai envie de m’amuser. Vous m’avez proposé d’aller au village, allons-y, je veux bien ; mettons-nous en bateau ; j’ai envie d’aller dîner sur l’herbe, ou de faire une promenade dans la forêt. Fera-t-il clair de lune, ce soir ? Cela est singulier ; vous n’avez plus au doigt la bague que je vous ai donnée.

PERDICAN.

Je l’ai perdue.

CAMILLE.

C’est donc pour cela que je l’ai trouvée ; tenez, Perdican, la voilà.

PERDICAN.

Est-ce possible ? Où l’avez-vous trouvée ?

CAMILLE.

Vous regardez si mes mains sont mouillées, n’est-ce pas ? En vérité, j’ai gâté ma robe de couvent pour retirer ce petit hochet d’enfant de la fontaine. Voilà pourquoi j’en ai mis une autre, et je vous dis, cela m’a changée ; mettez donc cela à votre doigt.

PERDICAN.

Tu as retiré cette bague de l’eau, Camille, au risque de te précipiter ? Est-ce un songe ? La voilà ; c’est toi qui me la mets au doigt ! Ah ! Camille, pourquoi me le rends-tu, ce triste gage d’un bonheur qui n’est plus ? Parle, coquette et imprudente fille, pourquoi pars-tu, pourquoi restes-tu ? Pourquoi, d’une heure à l’autre, changes-tu d’apparence et de couleur, comme la pierre de cette bague à chaque rayon du soleil !

CAMILLE.

Connaissez-vous le cœur des femmes, Perdican ? Êtes-vous sûr de leur inconstance, et savez-vous si elles changent réellement de pensée en chan-