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de la maison ; ils regardent attentivement la blancheur de nos voiles ; mais ils se demandent pourquoi nous les rabaissons sur nos yeux. Que pensez-vous de ces femmes, Perdican ? ont-elles tort, ou ont-elles raison ?

PERDICAN.

Je n’en sais rien.

CAMILLE.

Il s’en est trouvé quelques-unes qui me conseillent de rester vierge. Je suis bien aise de vous consulter. Croyez-vous que ces femmes-là auraient mieux fait de prendre un amant, et de me conseiller d’en faire autant ?

PERDICAN.

Je n’en sais rien.

CAMILLE.

Vous aviez promis de me répondre.

PERDICAN.

J’en suis dispensé tout naturellement ; je ne crois pas que ce soit toi qui parles.

CAMILLE.

Cela se peut, il doit y avoir dans toutes mes idées des choses très ridicules. Il se peut bien qu’on m’ait fait la leçon, et que je ne sois qu’un perroquet mal appris. Il y a dans la galerie un petit tableau qui représente un moine courbé sur un missel ; à travers les barreaux obscurs de sa cellule glisse un faible rayon de soleil, et on aperçoit une locanda italienne, devant laquelle danse un chévrier. Lequel de ces deux hommes estimez-vous davantage ?

PERDICAN.

Ni l’un ni l’autre et tous les deux. Ce sont deux hommes de chair et d’os ; il y en a un qui lit, et un autre qui danse ; je n’y vois pas autre chose. Tu as raison de te faire religieuse.

CAMILLE.

Vous me disiez non tout-à-l’heure.

PERDICAN.

Ai-je dit non ? Cela est possible.

CAMILLE.

Ainsi vous me le conseillez ?

PERDICAN.

Ainsi tu ne crois à rien ?

CAMILLE.

Lève la tête, Perdican ; quel est l’homme qui ne croit à rien ?