Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/632

Cette page a été validée par deux contributeurs.
628
REVUE DES DEUX MONDES.

pendant il faut un motif pour de telles réunions, les hommes ne sont guère conduits à s’assembler que pour rendre hommage à la Divinité, honorer la mémoire de quelque grand citoyen, ou célébrer la commémoration d’un évènement qui a exercé une certaine influence sur la situation du pays. Les jeux scéniques, rétribués par ceux qui y assistent, rentrent, aujourd’hui, dans la classe des réunions domestiques. En France et surtout à Paris, les cérémonies religieuses, dont pendant tant de siècles l’importance a été si grande, ont cessé d’être un lien commun entre tous les habitans. L’on ne trouve donc plus, à cette heure, que le principe politique qui soit en possession de provoquer les assemblées du peuple et de le faire participer aux cérémonies commémoratives de quelque évènement que l’on veut célébrer.

Ce sera un sujet digne de remarque que l’affaiblissement progressif de la loi politique qui, dans un court espace de temps, fait perdre tout intérêt, pour les assistans, à la circonstance qui a donné naissance à la fête publique. Ainsi, depuis la révolution française de 1789, les gouvernemens qui se sont succédé ont eu à cœur de perpétuer par des cérémonies le souvenir de leur origine et d’en fêter l’anniversaire. Mais bientôt chacun d’eux, faussant à son tour les principes sur lesquels sa naissance s’était appuyée, a vu le mépris du peuple flétrir et glacer les pompes dont le spectacle pouvait bien encore entraîner la foule, mais la laissait indifférente à la question morale qui en avait provoqué l’institution. C’est en vain que les rites se préparent et que les sacrifices se dressent avec appareil, quand la croyance s’est évanouie. L’histoire de nos fêtes, depuis la fédération de 1790 jusqu’à la commémoration actuelle de juillet, de leur établissement en harmonie avec le vœu populaire, des phases d’enthousiasme, d’indifférence, de conviction, de mépris, par lesquelles toutes celles qui sont aujourd’hui anéanties ont successivement passé, cette histoire, disons-nous, ne serait pas un des chapitres les moins piquans de notre grande histoire politique ; car ce serait le tableau complet des variations de la conscience des hommes que les changemens de fortune ont tour à tour fait arriver au pouvoir.

Quoi qu’il en soit, l’idée d’associer aux revues et aux exercices militaires, qui composent la meilleure part de ce que nous appelons des fêtes publiques, l’exposition des productions de l’industrie manufacturière française, remonte à 1798. François de Neufchâteau, ministre de l’intérieur, sous le gouvernement du directoire, voulut la faire concourir à la célébration de la fondation de la république. On était encore alors sous l’influence des mœurs d’apparat et du langage emphatique qui caractérisaient la transition des habitudes brutales de la convention à l’époque plus positive et