Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/565

Cette page a été validée par deux contributeurs.
561
LES ADVERSAIRES DE M. DE LA MENNAIS.

Saint Paul est sur la route de Damas, il poursuit les chrétiens : ce jeune Juif ne se possède pas de fureur, et les plus cruels supplices pourront à peine donner quelque répit à sa haine contre les novateurs. C’est une imagination ardente, un esprit jusqu’alors mobile, parce qu’il se cherche lui-même. À Tarse, l’ardent Paul s’était imbu avec amour des lettres et de la philosophie ; un instant il avait été grec ; mais cette science ne fut pas assez solide pour le sustenter toujours ; il aima mieux les préceptes et les erremens de l’hébraïsme et de la synagogue, il préféra Moïse à Platon ; le culte paternel, la sévérité de la religion de Jehovah le captivèrent : aussi que d’indignation dans son cœur contre les novateurs téméraires qui voulaient changer la loi de Jérusalem, pour mieux la développer, disaient-ils ! Paul brigue l’honneur de les poursuivre et le plaisir de les maltraiter, il court sur la route de Damas ; mais qu’a-t-il ? il s’arrête ; il est frappé d’une pensée soudaine comme d’un coup de foudre ; il semble entendre une voix intérieure, l’écouter et lui répondre ; dialogue mystérieux, ou plutôt sublime monologue où le vieil homme change pour faire place au nouveau ; admirable inconstance ! caprice divin de la force et du génie ! Paul est chrétien : cela lui plaît ainsi. Mer, prépare tes orages, bourreau de Rome, ta prison et tes supplices ; Paul va partir ; il ira montrer la croix de Jésus-Christ entre Sénèque et Néron, il est chrétien.

Luther a commencé sa vie par chérir l’autorité du pape ; il avait plus de ferveur que pas un ultramontain ; il s’irritait des hardiesses d’Érasme et volontiers l’aurait fait brûler. Dans ces dispositions, il tomba sur les livres de Jean Hus. Quelle révolution dans son esprit ! Il conçut d’attaquer violemment ce qu’il avait vénéré jusqu’alors ; le Bohémien a converti le Saxon. Le moine de Vittemberg accable Tetzel, étonne Maximilien ; puis, s’élevant toujours à de nouvelles véhémences, il attaque le célibat des prêtres, les vœux monastiques, l’invocation des saints, la hiérarchie, l’abstinence de la viande, la confession, le purgatoire, le pape, la communion sous une seule espèce ; enfin il ébranle sur ses fondemens la spiritualité du monde.

Comme saint Paul et comme Luther, M. de La Mennais a changé : il a obéi à la voix intérieure qui lui révélait son vrai devoir et son vrai génie ; il n’était pas fait pour s’enterrer dans les rangs