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LES EXCENTRIQUES.

— Je vous dis qu’il est ivre et qu’il nous a versés.

— C’est vrai, il est à plaindre ; allons ! faites venir le médecin.

La dame s’en alla, et lord Pembroke fit appeler John, auquel il dit :

— John, j’apprends que vous êtes malade, et je vois en effet que vous avez peine à vous tenir sur vos jambes ; j’en suis fâché, voici déjà long-temps que vous êtes avec moi et je suis fort content de vous. On vous soignera.

John se met au lit suivant l’ordre de son maître ; on lui applique un large cautère sur la tête, un autre entre les épaules, et on lui tire seize onces de sang. Pembroke envoie deux fois par jour savoir comment il se porte. Une garde-malade, placée auprès de lui, lui fait boire de l’eau de gruau : cela dure huit jours. Au bout de ce temps, le maître s’écrie :

— Ah ! il va donc mieux ? j’en suis bien aise ; qu’on le fasse venir.

John se présente tout tremblant.

— Mon Dieu ! s’écrie-t-il, milord, je vous demande bien pardon, cela ne m’arrivera plus.

— Vous avez raison, reprend le sourd, on ne peut pas empêcher la maladie de venir, et si vous retombez malade, n’ayez pas peur, on vous traitera avec le même soin.

— Mille remerciemens, votre honneur ; je n’en aurai jamais besoin.

— Je l’espère ; remplissez toujours vos devoirs envers moi, et je serai toujours aussi bon envers vous que je l’ai été.

§. xviii.
L’Attelage des Daims. — Les Femmes-Momies. — Le Juge ami des femmes.


Lord Orford, parmi une infinité de caprices, avait celui d’essayer de singuliers attelages ; ses expériences de tout genre ne finissaient pas ; tantôt il inventait de nouveaux bateaux, tantôt de nouvelles voitures. Un jour il s’avisa de faire traîner son phaéton par quatre daims ; l’attelage ne marchait pas mal, et ces quatre daims, qu’il avait disciplinés pendant long-temps, faisaient l’admiration du public. Mais, hélas ! une meute vint à passer, et l’odorat