court dans le ciel avec deux couronnes d’argent, il lui prit envie de tenir le discours suivant à la petite planète la Terre, qui continuait tristement son tour, suivie de sa femme de chambre la lune : — Tu n’es qu’un misérable composé de caprices et de niaiseries ; tu ne sais pas même marcher droit, comme le prouve assez la précession de tes équinoxes. Va, misérable maison boiteuse, tu es le Bedlam de l’univers. »
Si cela vous ennuie, fermez le livre.
Imaginez, s’il vous plaît, que vous entrez dans le palais du prince de Patagonia, Sicilien, dont j’ai visité les propriétés à Palerme. Cette Altesse n’a pas d’autre bonheur que de tout bouleverser. Dès que vous mettez le pied dans ses domaines, vous voyez commencer le règne de la folie. Il a dépensé des millions pour créer une sculpture, une architecture, des jardins sans exemple. Tout est contraire à la raison dans son palais. Fontaines sans eau, statues sans tête, cours sans issues, avenues se terminant par des allées souterraines, bâtimens en demi-cercles qui se croisent, qui se cachent, qui s’interrompent sans se correspondre jamais ; monumens dilapidés par la volonté du maître ; grands arbres plantés sur les toits et qui y meurent faute d’aliment ; ici, un édifice peuplé de vases ; là, un édifice occupé par des singes de pierre ; ailleurs, un groupe d’éléphans qui jouent de la flûte ; plus loin, un hippopotame une guitare à la main ; un polichinelle de quinze pieds, au centre d’un bassin sans eau ; Achille et Thétys jouant aux cartes avec Arlequin ; un Atlas colossal portant un tonneau au lieu d’un globe ; une perspective infinie de monstres inconnus, à trois têtes, sans tête, chimères que le cauchemar invente ; idoles plus ridicules et plus affreuses que le monstre d’Horace ; à l’intérieur, des chaises et des fauteuils aux pieds inégaux ; des tabourets dont le siège est garni de clous aigus ; des chambres exclusivement occupées par des cadres sans tableaux, d’autres par des têtes de statues superposées ; un cirque de quarante pieds entouré de marbres magnifiques, sculptés comme des pièces d’échecs ; — tel est le palais ridicule du prince de Patagonie. — Tel est aussi l’édifice que je vous ouvre, le lieu où je vous introduis, panthéon de toutes les idées bizarres qui peuvent naître dans notre pia mater et se traduire en actions. Ce que le prince n’a pu exécuter qu’en pierre ou en marbre, je vous le donne, moi, sous forme humaine et vivante.
Riez et pleurez !