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de la garde bourgeoise, si brillans aux jours de revues et de visites royales ; ne faut-il pas réprimer l’émeute de tribune comme l’émeute de la rue, et l’ordre public ne doit-il pas régner dans un vote de majorité comme dans les rues de Paris ?

§. v. — Les Doctrinaires.

L’avenir des doctrinaires, ils ne peuvent pas se le dissimuler, n’est plus dans la révolution de juillet. Un cri de réprobation s’élève contre eux : M. Thiers l’exploite ; le tiers-parti en profitera, et, d’ici à un terme prochain, M. Guizot sera forcé de se retirer des affaires. La position qu’il sera alors obligé de prendre dans la chambre sera difficile, et dussé-je être accusé de hardiesse, je dirai franchement aux doctrinaires que leur seule ressource d’avenir, avec leurs théories de pouvoir et de puissance de principes, est tout entière dans une alliance, sinon publique, du moins instinctive, avec le parti qui, dans la chambre, représente la restauration. Ce n’est pas sans réflexion que les voix des légitimistes se sont portées sur M. Royer-Collard ; M. Royer-Collard les a acceptées sans engagement ; plus tard, cet engagement viendra. Or, maintenant je le demande, quelle différence distingue M. Guizot de M. Royer-Collard ? La quasi-légitimité qu’ils ont posée n’est-elle pas en bonne logique la reconnaissance d’un autre principe renversé dans la tempête publique ? Cette révolution, M. Guizot ne l’a-t-il pas qualifiée à la chambre des pairs de grand malheur[1] ? que fait d’ailleurs ce ministre dans chacune de ses phrases de tribune ? ne cherche-t-il pas à justifier les hommes et les choses de la révolution, et à rejeter toute la faute sur un manquement de foi de la dynastie déchue ? Tous ces ménagemens ne sont pas loin d’une réconciliation ; elle sera longue sans doute à s’effectuer complètement. M. Guizot a été trop vivement engagé dans l’ordre de choses actuel pour l’abandonner tout à coup et sans scrupule ; d’un autre côté, les légitimistes ont trop de haines contre les doctrinaires, pour les admettre sans repentir dans leur sein. Mais deux ou trois années après que M. Guizot sera sorti des affaires, quand le parti légitimiste sera mieux assoupli et plus discipliné, alors, soyez-en sûrs, l’alliance se fera toute seule, parce qu’elle est dans la nature des choses, dans les souvenirs et dans les espérances. Quand les doctrinaires, produit du pouvoir du 7 août, seront tout-à-fait en dehors des affaires, il faudra bien qu’ils trouvent une place ;

  1. Si ce mot de grand malheur n’a pas été expressément proféré, il ressort de tout le discours du ministre.