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En somme, le côté gauche pur ne sera pas nombreux dans le nouveau parlement. Il ne dépassera pas cinquante membres dans ses votes les plus décisifs ; mais il aura fait un immense progrès ; il se sera détaché tout à la fois du tiers-parti qui amollissait ses doctrines et flétrissait son enthousiasme patriotique, et de ces déclamateurs extrêmes qui compromettaient l’avenir, en menaçant le présent. Parce qu’on est sans affection pour un ordre de choses, il n’est pas nécessaire à chaque instant d’exprimer ses haines, lorsque ces haines surtout s’appliquent à un pouvoir de fait qui existe dans sa plénitude. Il y avait puérilité à venir parler sans cesse de son amour pour la république en face d’institutions toutes monarchiques ; cela n’avançait en rien la cause qu’on voulait populariser. Les orateurs qui parleraient de république en pleine tribune avec l’organisation constitutionnelle telle qu’on nous l’a faite, seraient aussi imprudens que les légitimistes qui viendraient pleurer sur Henri v. Le terrain est simple pour les deux oppositions ; jamais il ne pourrait être mieux choisi : la réforme parlementaire et les économies du budget. Point d’autre intérêt, point de phrases incidentes ; avec ces deux mots vous parlez aux masses ; toutes les oppositions s’entendent sur cette ligne commune. Vous refoulez les ministériels et le tiers-parti dans leur couardise ; vous les démasquez au pays pour les montrer tels qu’ils sont ; vous leur dites : Voilà le privilège, il faut le détruire, et vous en avez la faculté par de bonnes élections. Tôt ou tard la victoire appartiendra à la réforme ; on résistera une ou deux années, à la troisième on sera forcé de subir la loi de l’opposition, et c’est le moyen d’arriver aux affaires, d’échapper à ces interpellations ridicules que le ministère adresse sans cesse au côté gauche : N’êtes-vous pas complices des révolutionnaires ? ne secondez-vous pas les émeutiers ? — Et qu’importe cela ? Depuis quand une opposition peut-elle être traduite à la barre, elle qui n’a d’autre responsabilité que celle de son mandat aux yeux du pays ? Quand on interpelle un ministre, c’est qu’il a un portefeuille, une responsabilité tracée dans la loi ; mais une opposition saisie corps à corps, traduite à la tribune, est la plus singulière de toutes les innovations de ces temps d’insolence ministérielle.

§. iv. — Les Ministériels.

C’est encore une singularité de la position parlementaire que nous a faite le système du 7 août, que celle d’un parti ministériel qui n’est point compacte, et qui est uni plutôt à la personne de tel ou tel ministre qu’à un système unique fermement arrêté. Ainsi, il y a dans la chambre